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HÉDONISME

Les données de l'historiographie philosophique sont imprécises, qui permettraient de circonscrire les problèmes relatifs à la naissance du mot et de la notion d'hédonisme. Créé en 1890, par dérivation du grec ἡδονή qui signifie plaisir, ce terme désigne dès lors un ensemble de thèses éparses que la tradition philosophique gréco-latine attribuait aux cyrénaïques. Ces derniers, comme les mégariques par leur méthode agonistique, comme les cyniques par leur ascétisme théâtral, se présentent comme les héritiers de Socrate dont ils soulignent en les accentuant certains traits : ils prônent, quant à eux, la libre participation aux plaisirs et la jouissance sous toutes ses formes. Même si Aristippe, chef de file des cyrénaïques, fut le premier à mettre au centre des préoccupations philosophiques la question du plaisir, il ne fut certes pas le seul : sa doctrine est liée aux développements divers auxquels donnent lieu, dans la spéculation grecque, la pratique et la définition de la sagesse. À ce titre, la désignation du plaisir comme souverain bien devait produire des réactions en chaîne ; Platon et ses successeurs immédiats, Aristote et plus tard Épicure prendront position par rapport à ce problème et d'abord à sa formulation cyrénaïque. C'est d'ailleurs à travers ces philosophes que, pour l'essentiel, les thèses d'Aristippe nous sont parvenues. C'est dire qu'elles sont aussi riches qu'insaisissables, à même des textes dont l'interprétation d'ensemble demeure problématique ; aussi diverses, contradictoires et confuses que le furent les polémiques qui nous les restituent, avant que la doxographie et l'histoire philosophiques ne les figent en positions antagonistes et ne leur attribuent des noms.

Cratère, vase grec, banquet - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Cratère, vase grec, banquet

Ainsi la notion d'hédonisme semble avoir été créée pour désigner, par opposition à l'épicurisme, une doctrine que la gent cultivée s'autorise à assimiler à une morale préconisant le plaisir, et les seuls plaisirs « grossiers » ; alors que l'épicurisme, quoique privilégiant aussi le plaisir, en aurait élaboré une théorie plus « raffinée » et proposerait une sagesse plus digne de l'homme. Trop souvent encore, l'hédonisme est à la pensée cultivée ce que l'épicurisme est à la langue commune qui l'assimile à une sagesse toute de jouissance et couvre de ce mot des comportements sinon répréhensibles du moins hétérodoxes. Cette ambiguïté, ce mouvement de quasi-subversion de sens indique à quel point le plaisir est l'objet d'attitudes et de pensées équivoques ; à quel point il entame le jugement, empêche son exercice serein et tranche au vif le nœud des liens que celui-ci entretient, même à son propre insu, avec l'ordre éthique et politique. À cet égard, l'hédonisme ouvre de plain-pied sur les problématiques de la philosophie contemporaine ; préciser son sens et sa signification historique conduira aussi à corriger pour partie l'image que notre culture se propose du miracle grec.

La jouissance et le degré zéro du logos

Avec Socrate, le problème éthique est au centre des préoccupations d'une philosophie qui se découvre une vocation à l'universalité, et qui rompt avec la confusion polymathique des penseurs précédents. Pour ses successeurs, la question du plaisir n'est pas d'abord un problème, mais une réponse parmi d'autres, dont la nature est telle qu'elle échappe à la juridiction de la raison et de tout discours. Affirmation vécue d'une évidence irrépressible : le plaisir est le bien suprême. C'est en fonction de lui seul, si cela était nécessaire, que nous pourrions déterminer ce que nous devons faire et qui nous sommes. Cette donnée immédiate n'est le fruit d'aucune spéculation, mais d'une appréciation exquise qu'instaurent le [...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, assistant au département de philosophie de l'université de Poitiers

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Cratère, vase grec, banquet - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Cratère, vase grec, banquet

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