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HEIDELBERG PEINTRE DE (2e quart VIe s. av. J.-C.)

Dès le moment où la production des vases attiques à figures noires connaît un sensible accroissement, c'est-à-dire dès le deuxième quart du ~ vie siècle, les peintres ont tendance à se spécialiser dans la décoration de telle ou telle forme de vase. C'est ainsi que certains d'entre eux, et non des moindres, préfèrent accorder leur soin à des récipients de petite taille, en particulier à cette catégorie nouvelle de vases à boire qu'est la coupe.

Le premier type de coupes attiques, appelé « coupe des comastes » (c'est-à-dire danseurs), d'après le sujet le plus fréquent du décor figuré, a fait son apparition dans le courant du premier quart du ~ vie siècle. La forme, d'inspiration nettement corinthienne, ne tarde pas à être modifiée dans le sens d'une plus grande élégance par l'élargissement de la vasque, l'établissement d'une meilleure proportion entre celle-ci et la lèvre, désormais moins petite et moins relevée, et le léger redressement du pied : on a alors ce qu'on appelle la « coupe de Siana », d'après le nom du lieu de trouvaille, à Rhodes, de deux exemplaires bien connus (British Museum, B 379 et B 380, Londres) de ce type de coupe, très populaire jusque vers le milieu du ~ vie siècle. Deux peintres deviennent vite les meilleurs spécialistes de la décoration de ces coupes : l'un, légèrement plus ancien, est nommé par convention Peintre C, d'après l'initiale du mot « corinthianisant » que l'on emploie volontiers pour caractériser son style ; on connaît de lui plus de cent cinquante coupes ou fragments de coupes. L'autre est le Peintre de Heidelberg, ainsi désigné d'après le lieu de conservation de deux de ses meilleures œuvres (université de Heidelberg, inv. S 61 et VI. 29 a) ; on lui attribue plus de soixante-dix coupes ou fragments.

Les sujets traités par les deux artistes sont très voisins, et souvent inspirés, comme dans certains vases corinthiens, par la vie quotidienne : files ou duels de guerriers, défilés de cavaliers, processions, banquets, danses, épreuves sportives ; les scènes d'inspiration épique ou mythologique sont moins fréquentes, quoique bien attestées : Persée et les Gorgones, Pélée apportant le jeune Achille au centaure Chiron, Achille et Troilos, Amazonomachie, Dionysos et Ariane, Bellérophon et la Chimère, Héraclès et le lion de Némée (surtout chez le Peintre de Heidelberg, qui est le premier artiste à traiter avec autant de prédilection le thème des exploits d'Héraclès, promis à un si riche avenir sur les vases de la seconde moitié du ~ vie siècle).

Le dessin des deux artistes a en commun un certain miniaturisme. Le bestiaire et les éléments floraux de remplissage caractéristiques des vases du premier quart du ~ vie siècle ont complètement disparu. Le décor le plus développé se trouve sur la paroi extérieure de la vasque, l'intérieur n'étant orné que d'un médaillon dont le diamètre ne dépasse que rarement la douzaine de centimètres, ce qui limite à un ou deux le nombre des figures. Le Peintre C, moins raffiné dans le détail, sait insuffler plus de vigueur à ses personnages, auxquels une tête, en général assez grosse par rapport au corps, ainsi que des gestes anguleux et des vêtements lourds donnent un air d'archaïsme prononcé. Le Peintre de Heidelberg est plus ambitieux dans le rendu des détails ; ses incisions sont plus fines et ses couleurs, ses rouges surtout, plus vives. Dans ses œuvres les plus récentes, les attitudes des personnages sont plus souples et plus gracieuses, mais l'ensemble des scènes reste marqué par un goût prononcé pour la symétrie, ce qui leur donne une certaine solennité : le sujet central de chacune des deux faces de la coupe est à peu près toujours entouré de spectateurs symétriquement figés dans des attitudes presque identiques. Le style minutieux, parfois un peu maniéré,[...]

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Écrit par

  • : ancien membre de l'École française d'archéologie d'Athènes, docteur ès lettres, professeur de civilisation grecque à la Sorbonne (Paris IV)

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