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BÖLL HEINRICH (1917-1985)

Heinrich Böll et Soljénitsyne - crédits : Jean-Claude Francolon/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Heinrich Böll et Soljénitsyne

Écrivain et citoyen allemand « à part entière », Heinrich Böll a reçu pour son œuvre abondante, traduite en trente-cinq langues, de nombreux prix (dont le prix du Groupe 47, le prix Büchner, le prix de la Tribune de Paris et le prix Nobel de littérature en 1972) et a été président du Pen Club international de 1971 à 1974. Ses écrits (romans, nouvelles ou essais) sont indissociables de son expérience amère du national-socialisme et de la guerre, de ses rapports difficiles avec l'Église catholique de son pays, de ses désaccords avec la société ouest-allemande, enfin et surtout, de son amour de l'écriture.

Catholique sincère, mais peu docile, homme de gauche, mais indépendant, Böll ne s'oppose pas à ce que l'on parle d'« anarchie » à propos de son message, si ce terme signifie toutefois « s'éloigner de la troupe » pour rester fidèle à l'homme, et si l'on y adjoint celui de « tendresse ». Écrivain engagé certes, il refuse de laisser enfermer cette notion dans le jeu d'une simple contestation politique. Il faut plutôt chercher l'origine de son engagement dans l'interrogation permanente de l'écriture « inconsolable » devant l'état du monde. Le terreau d'où surgissent les événements détermine l'objet de cette interrogation, mais le préalable est existentiel et humain. Cette obligation de traiter d'une question, parce que l'on ne peut échapper à telle ou telle interrogation, c'est la « morale du langage », dit Böll. L'écriture, de par sa fonction mystique, son pouvoir d'incarnation, sa liberté absolue, sert un idéal humaniste et chrétien qui veut sauvegarder, jusque dans ses aspects extrêmes de marginalité, de déchéance, l'autonomie, l'authenticité de l'homme. Ainsi son œuvre se présente-t-elle, par-delà la distinction des genres, comme un processus continu d'écriture, tendant à réaliser un programme « d'esthétique de l'humain » – défini dans les Conférences de Francfort (Frankfurter Vorlesungen, 1966) –, dans un climat où le pessimisme se libère dans l'humour, où l'espoir, réfugié dans la tendresse et l'humilité, regroupe, autour des choses simples de la vie, l'impossible communauté humaine et sociale.

Catholique et rhénan...

Dans les essais Sur moi-même (Über mich selbst, 1958) et Trois Jours en mars (Drei Tage im März, 1975), Böll évoque sa naissance, le 21 décembre 1917, à Cologne, et son appartenance à un milieu petit-bourgeois. Son père est maître ébéniste. Élevés dans une foi catholique rigide, ses parents lui donnent cependant une éducation familiale et religieuse tolérante, libérale. « C'est ce libéralisme qui a renforcé ce qui était religieux en moi », affirme-t-il. Son premier souvenir est le retour de l'armée vaincue de Hindenburg, étirant vers les ponts sur le Rhin ses longues colonnes grises. Dans le faubourg de Raderberg, où l'inflation de 1921 a exilé la famille, il trouve, dans la rue, ses camarades de jeu parmi les fils des « rouges ». L'ascension du parti national-socialiste sous les effets de la crise économique de 1930, l'arrivée de Hitler au pouvoir s'illustrent pour lui par deux événements : en novembre 1933, six communistes sont décapités à la hache dans la prison Klingelpütz de Cologne, et l'Église catholique signe le 10 juillet un concordat avec l'État hitlérien. Cependant, le lycéen Böll, qui ne s'engage pas dans les Jeunesses hitlériennes, se livre, grâce à un professeur courageux, à des exercices de contraction de textes sur Mein Kampf : « Je savais, dit-il, ce qui nous attendait. » C'est, en effet, après l'enrôlement dans le S.T.O. qui, en 1938, interrompt l'apprentissage en librairie commencé à Bonn, celui dans la Wehrmacht à l'automne 1939, alors que l'armée allemande[...]

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, maître assistante à l'U.E.R. d'études germaniques de l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Heinrich Böll et Soljénitsyne - crédits : Jean-Claude Francolon/ Gamma-Rapho/ Getty Images

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