HEINE HEINRICH (1797-1856)
Des amours aux voyages
Intitulé simplement Poèmes (Gedichte), son premier recueil a été publié à Berlin en 1822 ; ce sont les pièces, ballades et sonnets, qui forment aujourd'hui la première partie du Livre des chants (Das Buch der Lieder), et auxquels il devait donner ensuite le titre Jeunes Souffrances (Junge Leiden, 1817-1821). Chants de malheur et rêveries, appels et désespoirs, empoisonnés par le souvenir lancinant de la vaine cour qu'il fit à Amélie, sa belle cousine de Hambourg : « Il a perdu son trésor, c'est le tombeau qui lui convient ; c'est là qu'il aimerait le mieux reposer, jusqu'au jour du Jugement Dernier » (« Le Pauvre Pierre »).
En 1823 paraissait l'Intermezzo (Tragödien nebst einem lyrischen Intermezzo), entre deux tragédies historiques dans le goût de Walter Scott, un intermède lyrique où se trouvent quelques-unes des brèves et fulgurantes plaintes d'amour qui inspireront le musicien Robert Schumann. En 1826, avec les premiers Tableaux de voyage, Heine publiait la série de poèmes intitulée Le Retour (Die Heimkehr) où le désenchantement déchirant, le rire sur son propre malheur se révèlent comme les modes d'expression favoris du poète. Un an plus tard, avec les deux cycles de La Mer du Nord (Die Nordsee) s'ajoutant aux précédents, Heine publiait ce Livre des chants qui devait connaître treize éditions successives du vivant de l'auteur et faire de lui un poète majeur. Ballades, chansons d'amour et de deuil, tableaux de genre piquants et touchants, enfin les vastes évocations, colorées et sifflantes de la mer du Nord, les premières en langue allemande, montraient la virtuosité d'un musicien du verbe, doué dans tous les registres lyriques.
Docteur en droit en 1825, baptisé peu après dans une église luthérienne (il prend alors le prénom de Heinrich), Heine cherche, des années durant et sans succès, un emploi stable dans une administration, une université ou un journal. Ses espoirs se sont tournés vers Munich où régnait Louis Ier de Bavière, un roi ami des artistes. Mais Heine était ressortissant prussien, juif bien que baptisé ; sa plume redoutable lui avait fait beaucoup d'ennemis après les Tableaux de voyage, et il avait la réputation d'être joueur et libertin. Il ne demeura pas longtemps à Munich où il rédigeait un journal, et partit pour l'Italie ; il en revint, y retourna, et en rapporta les dernières parties des Tableaux de voyage qu'il acheva de rédiger à Berlin et à Potsdam, où il vécut un temps après la mort de son père. Berlin ne lui offrit pas l'emploi que Munich lui avait refusé et, en septembre 1829, il reprenait le chemin de Hambourg, « berceau de ses malheurs » où, naguère, il s'était juré de ne jamais retourner et où ses écrits polémiques faisaient scandale, en ville et dans sa famille.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre GRAPPIN : auteur
Classification
Média
Autres références
-
ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures
- Écrit par Nicole BARY , Claude DAVID , Claude LECOUTEUX , Étienne MAZINGUE et Claude PORCELL
- 24 585 mots
- 33 médias
Le sentiment que Henri Heine exprime, peut-être avec un peu d'ironie, « Goethe n'est plus. Les dieux sont morts », est partagé par l'Allemagne entière. Après un demi-siècle d'invention et de richesse, on éprouve tout à coup le vide. Les talents, bien entendu, ne disparaissent pas pour autant ; mais... -
BIERMANN WOLF (1936- )
- Écrit par M. NUGUE
- 688 mots
- 1 média
Fils d'un communiste assassiné à Auschwitz par les nazis, élevé dans la tradition communiste, membre des Jeunes Pionniers, puis du Parti socialiste unifié, Wolf Biermann, né à Hambourg en 1936 et passé à l'Est en 1953, disposait de tous les atouts permettant d'espérer une carrière paisible dans le...
-
HEYM STEFAN (1913-2001)
- Écrit par Nicole BARY
- 957 mots
Le parcours de Stefan Heym épouse tous les méandres de l'histoire du xxe siècle. Né en 1913 dans une famille de commerçants juifs de Chemnitz, sous le nom de Helmut Flieg, il manifeste très tôt, alors qu'il est encore lycéen, ses dispositions littéraires et non conformistes, en publiant en 1931...
-
MÜLLER WILHELM (1794-1827)
- Écrit par Brigitte MASSIN
- 798 mots
Sans l'Intermezzo lyrique de Heinrich Heine et sans les deux cycles de lieder, La Belle Meunière et Le Voyage d'hiver, de Franz Schubert, qui se souviendrait encore aujourd'hui — hors des limites du monde germanique — du nom et du rôle du poète de l'école souabe, Wilhelm Müller ?...
- Afficher les 7 références