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HEINE HEINRICH (1797-1856)

L'Allemagne et la France

Continuant madame de Staël, Heine compose bientôt, à l'usage des Français, une histoire de L'École romantique allemande et une autre de La Religion et la philosophie en Allemagne publiées en 1835 dans la Revue des deux mondes. La seconde étude donne une vue rapide mais pénétrante des croyances, des confessions, des philosophies, du Moyen Âge à Hegel, en passant par Luther et Spinoza. L'ouvrage s'achève sur des pages célèbres où Heine prophétise le réveil de l'Allemagne de 1830, encore rêveuse, et où il souligne l'importance européenne de la pensée de Hegel. L'événement est venu confirmer la prophétie du poète.

En même temps qu'il expliquait aux Parisiens les mystères de la Germanie, il faisait, pour le public des journaux allemands alors en plein essor, des tableaux de Paris. Ses correspondances pour la Augsburger allgemeine Zeitung font revivre avec vivacité le Parlement, la presse, le monde des arts et des théâtres sous la monarchie de Juillet ; elles furent rassemblées en plusieurs volumes : Les Peintres français (Die französischen Maler, 1830) ; De la France (Französische Zustände, 1839) ; Lutèce (Lutezia, 1854).

La poésie engagée a fait aussi son apparition dans la vie de Heine durant sa première période parisienne, celle de sa liaison puis de son mariage avec une jeune normande rencontrée dans une boutique du Palais-Royal, Mathilde Mirat, celle aussi des combats politiques et philosophiques dont ses poèmes porteront la trace.

Entre 1830 et 1848, les Allemands étaient nombreux à Paris où les ateliers attiraient des ouvriers et où les exilés politiques se rencontraient dans des associations que Heine a connues. Il y a retrouvé Ludwig Börne, qui venait de Francfort, et Karl Marx qui passa quelques mois à Paris en 1843-1844. Il a collaboré au Vorwärts, qui devait être, plus tard, un journal socialiste, et aux éphémères Annales franco-allemandes, où écrivait le jeune Marx.

Pourtant, un des grands poèmes satiriques de Heine, Atta-Troll, est une charge contre les poètes libéraux allemands de son temps, signe de la difficulté qu'il éprouve à aimer tous ceux qui auraient dû être de ses amis politiques. Son esprit de franc-tireur incapable de résister au plaisir de railler fleurit avec une verve plus heureuse dans l'Allemagne, conte d'hiver (Deutschland, ein Wintermärchen, 1844). Heine a laissé quelques belles pièces politiques, ainsi Les Tisserands de Silésie (Die Schlesischen Weber) pour lequel il a même repris une image qu'il avait trouvée dans le chant des « canuts » insurgés de Lyon en 1832. Poète de la liberté, Heine savait donner de la résonance aux grands mots populaires ; il disait de lui-même qu'il était « un bon tambour ».

Il se vantait volontiers aussi d'avoir marqué une date dans l'histoire de la poésie allemande en mettant fin à l'époque de l'art pour l'art, celle des classiques de Weimar ; il se voulait le premier poète « moderne » de langue allemande, divisé contre lui-même et tirant de son propre tourment une délectation subtile. Mais, au milieu de la vie parisienne, il entendait aussi le cor des postillons du Harz et le chant des filles du Rhin ; le premier, il a raconté à Richard Wagner l'histoire du Hollandais volant, qui devint Le Vaisseau fantôme, et celle de ce chevalier Tannhäuser, déchiré entre les maléfices de Vénus et la grandeur de sainte Elisabeth de Thuringe.

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Heinrich Heine - crédits : DeAgostini/ Getty Images

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