WAGNER HEINRICH LEOPOLD (1747-1779)
Né à Strasbourg, Heinrich Leopold Wagner étudie le droit et devient précepteur à Sarrebruck. En 1776, il obtient l'autorisation d'ouvrir un cabinet d'avocat, mais préfère travailler pour le compte de la Société Seyler, une troupe théâtrale. Il meurt à l'âge de trente-deux ans.
Goethe, à l'entourage duquel, tels Klinger et Lenz, Wagner appartenait, profère, au quatorzième livre de Poésie et Vérité, le jugement suivant sur l'auteur dramatique : il ne se distinguait par aucune aptitude exceptionnelle, « mais, se montrant très appliqué, il fut dès lors le bienvenu ».
Son premier ouvrage digne d'être mentionné — Heinrich Wagner écrira et avant et plus tard nombre de romans dont on a perdu la trace — paraît sans nom d'auteur. C'est une satire aiguë en vers macaroniques, Prométhée, Deucalion et leurs censeurs (Prometheus, Deukalion und ihre Rezensenten, 1775), où Wagner défend le Werther de Goethe contre ceux qui l'attaquent. Cette pochade contient toutefois tant de citations empruntées au maître de Weimar et les parallèles y sont si nombreux avec ses pièces pour marionnettes que Goethe se voit obligé de refuser ouvertement un livre qui n'avait pourtant d'autre but que d'assurer sa défense...
Au cours de cette même année 1775, Wagner publie une tragédie (cette fois signée de son nom) en six actes, Le remords qui fait suite à l'action (Die Reue nach der Tat) : consciente du rang qu'elle occupe dans la société, l'épouse d'un conseiller juridique s'oppose au mariage de son fils avec la fille d'un cocher. À la suite de quoi, le jeune homme sombre dans la folie et la jeune fille dans le poison. La ressemblance avec Intrigue et Amour est évidente, bien que le réalisme quelque peu pataud de Wagner n'atteigne jamais la maîtrise descriptive de Schiller.
La rupture définitive avec Goethe a lieu en 1776. Elle a pour cause la parution d'une tragédie, également en six actes, Meurtrière d'enfant (Die Kindesmörderin) : un officier sort la femme et la fille d'un boucher et les conduit dans une maison close ; là il verse un somnifère à la mère, puis abuse de la fille. Lorsque celle-ci découvre qu'elle est enceinte, elle quitte la demeure paternelle et met secrètement l'enfant au monde. Bourrelé de remords, l'officier veut épouser la jeune femme, mais il est trop tard : une lettre falsifiée a fait croire à la fille mère qu'elle était abandonnée ; elle a poignardé son enfant. On l'exécutera comme meurtrière. La colère de Goethe est compréhensible : lors d'une conversation avec Wagner, il lui avait esquissé son projet d'une « tragédie de Marguerite », et le parallèle saute aux yeux. Quoique la Meurtrière d'enfant n'atteigne jamais à la qualité du Faust, on ne peut lui dénier certains bonheurs : le remords de l'officier est convaincant, le boucher donne à Wagner l'occasion de peindre un personnage vivant. Malgré une adaptation de Karl Lessing, le frère de l'auteur de Nathan le Sage, la pièce fut interdite à Berlin. C'est en 1778 seulement que, retravaillée par Wagner et transformée en moralité didactique nantie d'une « happy end », elle sera jouée par la Société Seyler. L'auteur dramatique Peter Hacks en a fait en 1960 une adaptation réussie.
Sur le conseil de Goethe, Wagner avait traduit, en 1776, Du théâtre de Mercier. Un an plus tard, il rédige et publie un recueil de Lettres ayant trait à la Société Seyler (Briefe, die Seylerische Gesellschaft betreffend). Elles contiennent ses idées sur le théâtre de son temps. Malgré quelques pensées originales, Wagner n'en demeure pas moins un auteur paré, pour l'essentiel, des plumes du paon qu'il ne fut point.
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Écrit par
- Lore de CHAMBURE : professeur à l'École allemande de Paris
Classification
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STURM UND DRANG
- Écrit par Pierre GRAPPIN
- 2 232 mots
- 1 média
...Darmstadt, Stuttgart, Francfort et Strasbourg, qui, bien que française, avait une université de langue allemande. Goethe, Klinger (1752-1831), H. L. Wagner (1747-1779) étaient nés dans les pays du Rhin ; les frères Jacobi étaient de Düsseldorf, mais d'autres venaient de loin, de l'extrême est de l'Allemagne...