SUTERMEISTER HEINRICH (1910-1995)
Avec Arthur Honegger et Frank Martin, Heinrich Sutermeister est l'un des rares compositeurs suisses de notoriété internationale ; il se présente comme un héritier de Carl Orff et de Honegger.
Originaire du canton de Schaffhouse, en Suisse alémanique, il naît à Feuerthalen le 12 août 1910. Son père, pasteur protestant, l'envoie étudier la philologie et la littérature allemande à Bâle, où il suit également les cours de musicologie de Karl Nef. Il vient ensuite à Paris et travaille avec André Pirro à la Sorbonne (1930-1931). Il y rencontre Honegger et décide alors de se consacrer à la musique. Il va se perfectionner avec Carl Orff (composition), Walther Courvoisier (harmonie et contrepoint), G. Geierhaas et Hugo Röhr (direction d'orchestre) à l'Académie de musique de Munich (1932-1934). De retour en Suisse, il est chef de chant à l'Opéra de Berne (1934-1935) avant d'abandonner toute fonction régulière pour se consacrer essentiellement à la composition. La guerre le surprend à Munich, en 1939, où il reste pendant trois ans avant de pouvoir rejoindre son pays natal. Il se fixe alors dans le canton de Vaud, à Vaux-sur-Morges. Entre 1958 et 1980, il est président de la société suisse de reproduction mécanique Mechanlizenz. Il reçoit le prix de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, à Paris (1962), et le prix de composition de l'Association des musiciens suisses (1967). Il enseigne la composition à la Hochschule für Musik de Hanovre (1963-1975). En 1977, il est élu membre correspondant de l'Académie des beaux-arts de Bavière. Il meurt à Morges le 16 mars 1995.
Sutermeister s'est surtout imposé dans le domaine lyrique. Son opéra radiophonique Die schwarze Spinne (1935, présenté sur scène à Saint-Gall en 1949) est marqué par l'influence de Carl Orff. Mais il élargit bientôt ses centres d'intérêt, et Romeo und Julia (1938-1940), d'après Shakespeare, parle un langage qui tient autant de Debussy que de Verdi et de Puccini. La création a lieu à l'Opéra de Dresde en 1940, sous la baguette de Karl Böhm. Le succès est immédiat, et le livret est traduit aussitôt en cinq langues différentes. Un souci d'efficacité dramatique habite la plupart des ouvrages lyriques du compositeur, l'un des rares Européens qui continue à pratiquer un genre considéré à l'époque comme condamné : Die Zauberinsel (1942), d'après La Tempête de Shakespeare, Raskolnikoff (1946-1948), d'après Crime et Châtiment de Dostoïevski, Niobe (1943-1945), Der rote Stiefel (1949-1951), Madame Bovary (1967), Le Roi Bérenger, d'après Le roi se meurt d'Eugène Ionesco (créé à l'Opéra de Munich en 1985, sous la direction de Wolfgang Sawallisch, dans une mise en scène de Jorge Lavelli). Il travaille beaucoup dans le domaine de la radio et de la télévision, qu'il considère comme des moyens d'expression musicale à part entière ; on lui doit ainsi plusieurs opéras télévisés : Das Gespenst von Canterville (1962-1963, Le Fantôme de Canterville), d'après Oscar Wilde, La Croisade des enfants (1969) et Der Flaschenteufel (1969-1971), d'après Robert Louis Stevenson.
Compositeur humaniste de culture française et germanique, mais refusant d'être assimilé à l'école allemande, Heinrich Sutermeister se considérait comme un représentant moderne de la Bourgogne de Charles le Téméraire. Il a toujours évolué en dehors de toute école, recherchant un langage agréable sur le plan mélodique, généralement tonal, qui n'écarte pas néanmoins la dissonance dès lors qu'elle reste naturelle. Il montrait un penchant certain pour l'ostinato, technique contrapuntique qui répète une même figure à la basse pendant que les parties supérieures évoluent sur des chemins différents. Dans le domaine instrumental, il a laissé trois concertos pour [...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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