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HEINRICH VON OFTERDINGEN (XIIIe s.)

C'est grâce à Novalis que le nom de Heinrich von Ofterdingen a gardé aujourd'hui toute sa puissance d'évocation ; comme il veut répliquer par un roman poétique au Wilhelm Meister de Goethe, qu'il juge trop réaliste et bourgeois, ce romantique de la première génération choisit tout naturellement de donner à son héros le nom d'un ménestrel. Mais le roman, d'ailleurs resté inachevé, n'apprend rien sur une figure qui, malgré les recherches érudites, reste quelque peu énigmatique.

C'est dans la première partie du poème intitulé La Guerre des chanteurs à la Wartburg, sans doute écrit vers 1260, qu'apparaissent pour la première fois le nom et la figure d'Ofterdingen. L'épisode raconté remonte à un demi-siècle plus tôt et survient devant la cour d'Eisenach, en présence du landgrave Hermann de Thuringe (auprès duquel Walther von der Vogelweide séjourna effectivement en 1207). Heinrich von Ofterdingen se présente au landgrave et défie tous les maîtres chanteurs qui se trouvent à la cour, en mettant sa vie en jeu. Il choisit de chanter les louanges du prince d'Autriche. Le premier qui lui répond est le chanteur thuringien qu'on appelle généralement le « Scribe vertueux » (der tugendhafte Schreiber). Il fait, lui, l'éloge de son seigneur, le landgrave Hermann. D'autres chanteurs interviennent à leur tour : Wolfram von Eschenbach, Reinmar, Biterolf. Ofterdingen est finalement vaincu par Walther von der Vogelweide, mais, sur une intervention de la landgravine Sophie, on lui laisse la vie sauve, et il va faire appel au magicien hongrois Klingsor qui, dans la deuxième partie du poème, affrontera à son tour Wolfram dans un concours d'énigmes et sera vaincu par lui.

On ne possède aucun autre renseignement sur Ofterdingen. Personnage historique ou figure mythique : la question n'est pas définitivement tranchée. Aucune des tentatives faites pour l'identifier à un personnage historique n'est pleinement convaincante. Cependant, on a tendance aujourd'hui à le tenir pour une création de l'auteur de La Guerre des chanteurs à la Wartburg.

À la fin du xiiie siècle, on le considère comme un personnage historique, et dans les Singschulen (écoles de chant), ces associations d'amateurs d'art poétique et vocal organisées en corporations, on le cite parmi les douze grands maîtres, aux côtés de Frauenlob, Regenbogen, Mügeln, Walther, Wolfram, Reinmar, Marner, Klingsor, Kanzler, Poppe, Stolle.

Il apparaît dans la Vie de sainte Élisabeth, composée vers 1420 par Johannes Rothe. Mais c'est surtout sur les romantiques qu'il exerça une véritable fascination : en dehors du roman de Novalis qui porte son nom (1802), on le trouve dans La Guerre des chanteurs à la Wartburg, jeu poétique en trois aventures avec prélude, de Friedrich de La Motte Fouqué ; chez Hoffmann, dans un des « Contes des frères Sérapion » intitulé La Guerre des chanteurs (1819). Avec l'opéra de Wagner Tannhäuser et la guerre des chanteurs à la Wartburg (1845), il se confond avec la figure de Tannhäuser. La thèse d'A. W. Schlegel et de F. H. von der Hagen (réfutée par Karl Lachmann en 1820), selon laquelle Ofterdingen serait l'auteur de la Chanson des Nibelungen, est souvent reprise dans les adaptations poétiques.

— Pierre SERVANT

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Lille-III

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