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VILLA-LOBOS HEITOR (1887-1959)

Un créateur de formes nouvelles

« Mon œuvre est la conséquence d'une prédestination. Elle est de grande quantité, parce que le fruit d'une terre immense, ardente et généreuse. » Instinctivement, Villa-Lobos aura passé toute sa vie, au prix d'une certaine solitude et d'une lutte constante contre la misère et les préjugés, à doter son pays du répertoire qui lui manquait. En dehors de ses harmonisations, il ne cite jamais textuellement des thèmes folkloriques, qui ne lui ont servi qu'à jeter les bases de son esthétique et de son langage. Il insiste toujours sur la transfiguration du matériau initial et le caractère élevé qu'il entend donner à son discours.

Deux formes lui appartiennent en propre : les Chôros et les Bachianas brasileiras. Dans la série des quatorze Chôros (les deux derniers ont été perdus) suivis des deux Chôros bis, il devait interpréter l'esprit des improvisations populaires qu'il avait pratiquées dans sa jeunesse, pour en faire une « nouvelle forme de composition musicale, synthétisant les différentes modalités de la musique brésilienne, indienne et populaire ». Mais il alla plus loin, comme nous le rappelle Luiz Heitor : « Il se propose d'interpréter musicalement le Brésil, d'évoquer non seulement l'art des musiciens populaires, qu'il avait si bien assimilé, mais aussi toutes les autres modalités d'expression musicale de ce pays aux dimensions de continent : la musique des Indiens, des Noirs, celle des vachers, des pêcheurs, des pagayeurs et des mendiants ; et même le chant des oiseaux, les mille bruits de la nature, la lumière du soleil, les couleurs et les parfums de la terre. » Dans les neuf Bachianas brasileiras, série d'hommages à Bach, son musicien préféré, les thèmes sont dans le style brésilien, la forme seule étant empruntée à Bach, sans esprit de pastiche.

Virtuosité, oppositions de timbres, de tonalités, infinie diversité rythmique, chocs de blocs sonores, ces caractéristiques apparaissent d'emblée dans sa musique orchestrale, qui tourne à la « cataracte sonore ». C'est l'éblouissement de ses poèmes symphoniques ou des grands Chôros, dont le dixième, pour orchestre et chœurs, constitue sans doute le sommet absolu de son œuvre. Ses orchestrations font presque toujours appel à des groupes de percussions brésiliennes, d'origine indienne ou noire, ajoutées aux instruments traditionnels. Plus sentimental que romantique, il pratiquait un style de mélodie analogue à la modinha, type de mélodie sentimentale venue du Portugal. « Dolente, volontiers gémissante, précise Marcel Beaufils, elle a pris sur cette terre une couleur qu'elle n'aurait pu avoir ni au Portugal, ni en Italie. » Avec son approche neuve des timbres, sa grande imagination harmonique, la musique de chambre ne surprend pas moins par sa richesse sonore. À l'écoute des Chôros bis, l'auditeur prend pour un quatuor à cordes ce qui n'est qu'un duo pour violon et violoncelle. La question de la forme doit être étudiée en rapport avec l'individualité du compositeur, qui peut utiliser des cellules thématiques transformables en thèmes conducteurs au sein de pièces au matériau pléthorique relevant de la fantaisie ou de la rhapsodie. Mais Villa-Lobos savait tout aussi bien définir une forme personnelle de néo-classicisme, comme ce fut le cas dans certaines compositions de musique de chambre, le Trio à cordes et quelques-uns de ses quatuors à cordes.

Souvent, Villa-Lobos aura été plus moderne que bien des musiciens qui s'efforçaient de le devenir, mais intuitivement, presque sans le savoir ni avoir jamais eu à revêtir les masques éphémères des modes successives. Il tirait également une grande force de sa malice, de son humour, de son ironie. Le meilleur de lui-même reste aussi neuf qu'au premier jour, proche de notre sensibilité,[...]

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Écrit par

  • : musicologue, critique musical, président du Groupe des Sept

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Média

Heitor Villa-Lobos - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Heitor Villa-Lobos

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