LEVITT HELEN (1913-2009)
La photographe de New York et des New-Yorkais commence sa carrière dès l'âge de dix-sept ans, à la fin de ses études à la New Utrecht High School de Brooklyn, quartier où elle est née le 31 août 1913. Helen Levitt entre en 1930 au service d'un photographe commercial qui la forme et l'emploie comme assistante puis comme opératrice. C'est donc une photographe confirmée qui découvre en 1935 les œuvres de trois jeunes auteurs, l'Américain Walker Evans, le Français Henri Cartier-Bresson et le Mexicain Manuel Alvarez Bravo, exposés simultanément à la galerie Julien Levi de New York. Les trois futurs maîtres auront une influence déterminante dans la vocation humaniste d'Helen Levitt, sans pour autant la conduire à les imiter. La jeune femme, qui entreprend à New York un travail d'observation sur les scènes de rue des quartiers les plus pauvres de Brooklyn, de Harlem et du Lower East Side, sacrifiera peu aux deux grands axes de l'auteur d'Images à la sauvette, la rigueur de la composition et l'acuité de « l'instant décisif ». Helen Levitt se montre d'abord attentive à l'environnement du quartier et au caractère des personnages, photographiés la plupart du temps à objectif découvert, sans intention de voler l'image. Précurseur de la Street Photography que pratiqueront William Klein et Garry Winogrand, Helen Levitt va devenir un des grands auteurs attachés au thème de l'enfance, qu'elle explore sans mièvrerie dans ses secrets et dans ses jeux.
L'apprentissage suivi auprès de Walker Evans en 1938-1939, notamment dans le métro de New York, marque le début d'une vision documentaire qui ne détournera pas la photographe de sa recherche de la scène unique et de ses capacités narratives.
Le voyage qu'Helen Levitt fait au Mexique au cours de l'année 1941 constitue l'unique « excursion » photographique d'une production qui reste centrée sur la ville de New York. L'éloignement et le temps compté suscitent alors un exercice plus proche des leçons de Cartier-Bresson et d'Evans, situé entre l'insolite et le document qu'enrichissent de nombreux portraits.
L'œuvre est assez féconde pour que John Szarkowski, le créateur et directeur du tout nouveau département photographique du Museum of Modern Art de New York, lui consacre en 1943 une première exposition personnelle, sobrement intitulée New York, 1940. Au lieu de susciter l'exploitation d'un succès rapide, cette reconnaissance est aussitôt suivie d'une expérience nouvelle. Sur la suggestion de la réalisatrice Janice Loeb et de l'écrivain et scénariste James Agee, Helen Levitt étend son regard au cinéma, qu'elle pratique d'abord seule dans New York, équipée d'une caméra 16 mm, avant de passer avec James Agee à la réalisation du film The Quiet One (1948) – couronné en 1963 d'un Academy Award –, suivi en 1960 de Savage Eye puis, trois ans plus tard, de The Balcony. La Ford Foundation Film décernera en 1964 son prix à l'ensemble de ces trois films, dont Helen Levitt commentera la démarche dans le livre A Way of Seeing, Photographs of New York (1965), co-signé avec James Agee.
L'abandon de la photographie au profit du cinéma marque aussi le moment pour Helen Levitt d'entreprendre des études de peinture à l'Art Student League de New York, qu'une bourse accordée par la fondation Guggenheim permet en 1959 d'étendre à la connaissance de la photographie en couleurs. Ces études, comme sa brève œuvre cinématographique, ne seront pas sans influence sur le travail photographique qu'Helen Levitt reprend au début des années 1960, fidèle au territoire des rues de New York. À la suite de Saul Leiter et en même temps que William Eggleston, elle compte parmi les rares auteurs assez audacieux pour recourir à la couleur,[...]
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Écrit par
- Hervé LE GOFF : professeur d'histoire de la photographie, critique
Classification
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