HÉLÈNE DE TROIE
« Le blâme ne peut rétribuer Troyens et Achéens aux bonnes jambières de souffrir de si longs maux autour d'une telle femme : elle ressemble trop terriblement aux déesses immortelles », murmurent les Troyens en voyant Hélène aux bras blancs s'avancer sur leurs remparts (Homère, L'Iliade, III). Hélène, née d'un œuf comme Castor, Pollux et Clytemnestre, est la fille de Léda et de Zeus-cygne, et du mortel Tyndare. C'est la plus belle des femmes, comme Aphrodite est la plus belle des déesses au jugement de Pâris ; c'est en vertu de cette analogie qu'elle est promise par Aphrodite à ce dernier, en récompense de son jugement. Sa légende, infiniment remaniée par presque tous les poètes grecs depuis Homère, fait d'elle, après un éventuel enlèvement par Thésée, la femme du blond Ménélas, « favori d'Arès », choisi parmi tous les prétendants qu'Ulysse a unis par le serment de secourir l'élu. Enlevée par Pâris, à qui Aphrodite l'avait promise en remerciement, c'est donc pour Hélène que la guerre de Troie oppose Danaéens et Achéens liés par la foi jurée — elle, l'Achéenne de Troie, qui sait ce qu'est le cheval et imite la voix des femmes des guerriers grecs, reconnaît Ulysse déguisé, agite le flambeau sur la citadelle. Pourtant, de trahison en trahison, dès L'Iliademême, Hélène est innocente : « Tu n'es pour moi cause en rien, les dieux seuls pour moi sont causes », lui dit Priam, avant que la lutte ne s'engage (L'Iliade, III, 164). Plus tard, Stésichore, en la louant, recouvre la vue qu'il avait perdue après l'avoir blâmée, et Gorgias, chantant le « cosmos » — qui est à la fois parure, monde et ordre —, fait l'éloge d'Hélène « qui échappe à l'accusation » : c'est que le destin exemplaire d'Hélène, pur affrontement entre l'amoureuse Aphrodite et la légitime Héra, manifeste tout destin humain, comme pesé dans la balance divine. Et la beauté d'Hélène, la femme, n'est même rien qu'un nom autour duquel combattent les lances, qu'un fantôme gonflé de vent pour qui s'entretuent les hommes, ainsi que le proclame l'Hélène fantastique d'Euripide dans son premier monologue, ou qu'une apparition à la fin d'une pièce de Shakespeare. Aussi, la tradition principale veut qu'Hélène, la fille de Zeus, enfin rendue à elle-même et à Ménélas, finisse vertueusement ses jours auprès de son cher époux.
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Écrit par
- Barbara CASSIN : chargée de recherche au C.N.R.S.
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