OITICICA HÉLIO (1937-1980)
Une courte vie aura suffi à l'artiste brésilien Hélio Oiticica pour laisser une trace persistante dans la vie artistique, mais aussi politico-culturelle, de son pays. Né le 26 juillet 1937 à Rio de Janeiro, il est le fils de José Oiticica Filho, entomologiste, photographe et peintre, et le petit-fils de José Oiticica, poète et anarchiste qui, en 1918, avait été déporté pour avoir appelé à la grève insurrectionnelle. Dans le sillage de son grand-père, Hélio va mener une série d'actions en direction des déshérités. Lorsqu'il commence à montrer des œuvres conçues sur le thème des favelas, dans le cadre de l'exposition Opinão 65, au musée d'Art moderne de Rio de Janeiro, il invite les principaux intéressés au musée. Ceux-ci, jugés peu présentables par les autorités, sont expulsés du bâtiment manu militari. L'artiste, fou de rage, ne peut empêcher leur évacuation.
Dès 1963, après de classiques études à l'école des Beaux-Arts de Rio de Janeiro, où il étudie la peinture auprès d'Ivan Serpa, Oiticica s'était plongé dans la favela de Mangueira, qui devient vite une sorte de quartier général de ses opérations, et une matrice pour son inspiration. En 1964, il rejoint l'école de samba de Mangueira. Sollicités, les habitants participent, cette fois-ci sans encombre, à des actions de rue sous forme de fêtes, dans lesquelles se mêlent musique, art et politique. À l'instigation d'Oiticica, ils s'emparent de drapeaux, d'étendards, de tentes, et revêtent de grandes capes. On les appelle bientôt Parangolès – l'une des œuvres de l'artiste, exécutée en 1963, porte d'ailleurs ce titre, évoquant une cape ou un manteau, parure ou déguisement, mais aussi, dans un autre sens, l'emballement soudain d'une foule, entre excitation et confusion. Trois ans plus tard, une autre pièce, Hommage à Cara de Carvalho, contribue à accroître la notoriété de l'artiste.
Auparavant, Oiticica avait participé aux activités du Grupo Frente (1954-1956), puis à partir de 1959, au côté notamment de son aînée Lygia Clark, à celles du Grupo Neoconcreto. Comme son nom l'indique, le mouvement néo-concret poursuit, tout en s'y opposant, le mouvement concret en vigueur depuis une dizaine d'années, s'inspirant du sculpteur constructiviste suisse Max Bill.
Des années 1950 aux années 1960, Hélio Oiticica va mener de front deux types d'activités. D'un côté, des expositions en galeries, centres d'art ou musées internationaux, de l'autre, des happenings urbains. C'est ainsi qu'il propose Apocalypopótese, en 1968, dans les rues de Rio, manifestation collective où figurent ses Parangolès ainsi que les Ovos (Œufs) de Lygia Pape. L'année suivante, il présente une sélection de ses œuvres géométriques, ainsi que des propositions ouvertes à la participation des spectateurs, dans le Projeto Éden, à la Whitechapel Art Gallery de Londres – occasion de ce qu'il qualifie d'« expérience d'ambiance (sensorielle) limite ».
Au début des années 1960, Oiticica a en effet inventé une forme originale qu'il va multiplier sous le terme générique de Penetráveis (Pénétrables). Dans ces installations, le public est convié à entrer ; les spectateurs sont ainsi amenés à établir un contact personnel avec l'œuvre de l'artiste, et à développer de la sorte une expérience sensorielle originale. Plongé à l'intérieur du Pénétrable, chacun trace sa voie à sa guise, éprouve physiquement la présence de l'environnement et se voit confronté à une épreuve comportementale inédite.
En avril 1967, le Brésil vivant alors sous le joug de la dictature militaire, Oiticica donne une orientation nouvelle à ses Pénétrables avec l'installationTropicália, qu'il montre, le mois suivant, au musée d'Art[...]
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Écrit par
- Hervé GAUVILLE : critique d'art, écrivain
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Autres références
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