Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BADINGS HENK (1907-1987)

Article modifié le

Grâce à une production considérable qui touche à tous les moyens d'expression, le compositeur néerlandais Henk Badings s'est imposé comme le principal créateur de son pays au xxe siècle.

Henk (Hendrik Herman) Badings voit le jour en Indonésie, à Bandung, le 17 janvier 1907. Orphelin de bonne heure, il se fixe aux Pays-Bas en 1915 et se trouve orienté vers des études de géologie – à l'école polytechnique de Delft – par des tuteurs qui voyaient d'un mauvais œil la perspective d'une carrière musicale. Sa formation musicale sera presque entièrement autodidacte, à l'exception d'une courte période d'étude avec Willem Pijper, l'un des plus grands pédagogues et compositeurs néerlandais d'alors (1930-1931). Nanti d'un diplôme d'ingénieur, il commence à faire des recherches paléontologiques et géologiques dans les Balkans en 1931, puis revient aux Pays-Bas pour se consacrer totalement à la musique. Entre-temps, sa Première Symphonie, écrite à l'instigation de Pijper, a été créée par Willem Mengelberg au Concertgebouw d'Amsterdam avec un certain succès (1930). Le même orchestre crée sa Deuxième Symphonie deux ans plus tard, sous la direction de son dédicataire, Eduard van Beinum. Badings enseigne la composition au conservatoire de Rotterdam et l'harmonie au Muzieklyceum d'Amsterdam, établissement dont il assure la direction entre 1937 et 1941. Puis il est nommé directeur du conservatoire de La Haye (1941-1944).

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

À la Libération, il est privé de toute fonction officielle à cause de certaines sympathies pro-allemandes dont il aurait fait preuve pendant l'Occupation. Il ne sera mis hors de cause qu'en 1947. Il mène alors une carrière de compositeur indépendant, se consacrant surtout à la recherche dans le domaine de l'acoustique et de l'électronique, et ne reprendra aucune fonction officielle avant le début des années 1960 : professeur d'acoustique à l'université d'Utrecht (à partir de 1961), cours de musique électronique à l'université d'Adélaïde, en Australie (1962-1963), professeur de composition à la Hochschule für Musik de Stuttgart (1962-1972). Il continuera à écrire sans discontinuer jusqu'à sa mort, survenue à Maarheeze le 26 juin 1987.

L'œuvre de Badings comporte trois périodes créatrices nettement différenciées. Jusqu'au début des années 1940, il utilise un langage issu du romantisme, qui respecte les formes classiques, tout en sachant déjà trouver dans l'écriture de son temps des harmonies rudes et une rythmique forte. Il aime les grands effectifs et les couleurs sombres (Symphonies nos 1 à 3, Quatuors à cordes nos 1 et 2, Variations symphoniques, 1936 ; Concerto pour piano no 1, 1939 ; oratorioApocalypse, 1940).

Puis vient une période où ces éléments se décantent pour céder la place à la polytonalité et à un système d'écriture symétrique fondé sur huit sons. Il s'intéresse également à la musique modale, notamment mixolydienne (Sonates pour piano nos 2 à 6, Quatuor à cordes no 3, 1944 ; Symphonie no 5, pour le soixantième anniversaire de l'orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam, 1948 ; Symphonie no 6 « Psalmensinfonie », 1953 ; Symphonie no 7 « Louisville Symphony », 1954 ; Concerto pour deux violons no 1, pour le cinquantième anniversaire de l'orchestre philharmonique de La Haye, 1954). À partir de 1952, il se tourne vers la recherche acoustique et électronique : dans un premier temps, sa musique est totalement électronique, faisant abstraction des instruments traditionnels. Il remporte ainsi le prix Italia en 1954, avec son opéra radiophonique Orestes. Deux ans plus tard, il compose un ballet entièrement électronique, Kain ; en 1957, un nouvel opéra radiophonique (commande de l'Afrique du Sud), Asterion ; en 1959, un opéra télévisé, Salto mortale, qui lui vaut le prix du concours international des sociétés de télévision à Salzbourg. Puis, dans les années 1960, il réalise une synthèse entre les deux moyens d'expression, qu'il enrichit d'une recherche sur les micro-intervalles (il travaille alors sur une gamme de 31 degrés par octave définie par le physicien néerlandais Adriaan Fokker). C'est dans les grandes fresques chorales, souvent d'inspiration religieuse, qu'il donne le meilleur de lui-même : Te Deum (1962), Passion selon saint Marc (1970-1971) et l'oratorio la Ballade van de bloeddorstige Jager, avec lequel il obtient une seconde fois le prix Italia (1971). L'abondance et la diversité de l'œuvre de Badings en font un compositeur difficile à cataloguer : quatorze symphonies, six ouvertures, des sonates pour tous les instruments, cinq quintettes, des concertos pour piano (deux), pour deux pianos, pour orgue, pour violon (quatre), pour deux violons (deux), pour violoncelle (deux), pour basson... En dehors de ses opéras radiophoniques ou télévisés, il a signé trois ouvrages lyriques de conception traditionnelle : Die Nachtwache (La Ronde de nuit, 1942), Liebesränke (Ruses d'amour, 1945), et, le plus connu, Martin Korda D.P. (1960). Il a obtenu le prix de l'Accademia Chigiana de Sienne, en 1952, pour l'un de ses quintettes, et le prix Paganini, en 1953, pour ses deux sonates pour violon seul. Son œuvre est aussi bien profonde et dramatique qu'humoristique et légère. Elle a été remise en cause par la nouvelle génération des compositeurs néerlandais, qui ont vu en elle un bastion du traditionalisme, mais, les années passant, les partitions essentielles de cette production gigantesque qui, à bien des égards, pourrait faire penser à celle de Darius Milhaud, émergent.

— Alain PÂRIS

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

Classification

Voir aussi