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ALEKAN HENRI (1909-2001)

„Magicien de la lumière“, artiste raffiné, le chef opérateur Henri Alekan fut aussi un homme engagé dans son temps. Dans la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale. Dans le syndicalisme dès 1932 (il présida le Syndicat des techniciens de la production jusqu'en 1968). Dans l'enseignement enfin : sous l'Occupation, il forma des techniciens au Centre artistique et technique des jeunes du cinéma avant d'être, à la Libération, un des cofondateurs de L'I.D.H.E.C. (Institut des hautes études cinématographiques).

Henri Alekan est né en 1909 à Paris d'une famille modeste d'origine bulgare. Très tôt intéressé par la photo et le cinéma, il suit les cours du soir gratuits de l'Institut d'optique au Conservatoire des arts et métiers, ainsi que les travaux pratiques donnés par Pathé-Cinéma à Joinville. Un temps marionnettiste avec son frère, il devient assistant opérateur. Il a la chance de rencontrer en 1933 l'un des plus grands chefs opérateurs de l'époque, Eugen Shüfftan, qui vient de fuir le nazisme et qui va marquer la photographie du „réalisme poétique“ français. Alekan l'assiste sur La Tendre Ennemie, de Max Ophüls (1934), puis est promu cadreur, entre autres sur Le Quai des brumes, de Marcel Carné (1938).

L'extraordinaire diversité du talent et des préoccupations d'Henri Alekan est parfaitement symbolisée par les deux films, aussi différents que possible, qui l'ont placé au sommet de sa profession. En 1943-1944, il participe conjointement à La Bataille du rail, fiction-documentaire sur la résistance des cheminots, signé par René Clément, et La Belle et la bête, féerie de Jean Cocteau supervisée par le même réalisateur. Dans ce dernier film, Alekan s'inspire explicitement des gravures de Gustave Doré pour les Contes de Perrault, et des éclairages de Georges de La Tour. Avec Cocteau, Alekan se débarrasse des „habitudes routinières“, et comprend „qu'une bonne photo de film n'est pas celle qui flatte l'œil, mais celle qui surgit d'un regard intérieur et s'exprime plastiquement sans crainte des plus grandes audaces“. Il découvre aussi la nécessité de „maintenir d'un bout à l'autre d'un film une continuité plastique“.

La filmographie d'Henri Alekan est abondante, tant au cinéma – où elle compte plus de cent films – qu'à la télévision. Chaque réalisation est pour lui l'objet d'une nouvelle expérience, avec Julien Duvivier (Anna Karénine), Marcel Carné (La Marie du port, Juliette ou la clé des songes), Joseph Losey (Un homme à détruire, Deux Hommes en fuite, La Truite), Abel Gance (Austerlitz), Roger Pigaut (Le Cerf-volant du bout du monde, première coproduction franco-chinoise), Jules Dassin (Topkapi), Terence Young (Mayerling)... Parce qu'il est considéré comme un opérateur du cinéma trop „classique“ – il travaille alors avec Henri Verneuil, Marc et Yves Allégret, Denys de La Patellière, Jean Delannoy –, les jeunes cinéastes lui préfèrent des hommes de leur génération, Raoul Coutard ou Nestor Almendros. S'il fustige le simple „éclairement d'une action“, sans qu'elle soit „mise en résonance avec le thème“, Henri Alekan aurait néanmoins aimé participer aux expériences des nouveaux venus, sur la saturation des couleurs, par exemple. Quelques années plus tard, Jean-Louis Lecomte (L'Ombre et la nuit), Raúl Ruíz (Le Territoire), Wim Wenders (L'État des choses, Les Ailes du désir), Jean-Marie Straub et Danièle Huillet (En rachachant, Cézanne) lui offrent de nouvelles possibilités et une nouvelle notoriété auprès des apprentis cinéastes.

Henri Alekan a également éclairé des pièces de théâtre, des opéras, des expositions, des stations de métro (étude pour le futur métro Météor), des campagnes politiques (François Mitterrand dans sa campagne[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Autres références

  • GITAÏ AMOS (1950- )

    • Écrit par
    • 1 091 mots
    ...venues du spectacle vivant ou de recherches picturales. Il n'avait pas de passé de cinéphile. Il se cultive, fait des rencontres stimulantes, comme celle d'Henri Alekan, vieux maître de la lumière, qui éclairera ses premiers longs-métrages de fiction, (Esther, 1985 ; Berlin-Jérusalem, 1989 ;...