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BREMOND HENRI (1865-1933)

Les spécialistes voient surtout en Bremond l'auteur d'une monumentale Histoire littéraire du sentiment religieux en France, restée inachevée, dont certains aspects ont été vivement contestés ou sont aujourd'hui dépassés, mais qui demeure un instrument de travail indispensable. Il avait connu, vers 1925, son heure de notoriété en déclenchant la « querelle de la poésie pure » qui agita alors la république des lettres. L'apparente dispersion de ses curiosités et de ses travaux, son style volontiers « piquant » et son humeur souvent belliqueuse, les suspicions qui pesaient sur son orthodoxie à la suite des sympathies qu'il avait laissé entrevoir pour le modernisme le firent considérer par beaucoup comme un esprit frivole, touche-à-tout, « insaisissable ». C'était méconnaître ce qui tout au contraire le caractérise le plus profondément : le sérieux, l'unité de la vie et de l'œuvre dans la continuité d'une quête.

L'historien du sentiment religieux

Après des études au collège ecclésiastique de sa ville natale, Aix-en-Provence (Charles Maurras, de trois ans plus jeune, fréquente le même établissement), Henri Bremond entre à dix-sept ans dans la Compagnie de Jésus. De 1882 à 1899 alternent formation religieuse et théologique en Angleterre et enseignement dans divers collèges en France. En août 1899, il est nommé rédacteur aux Études, la revue des jésuites français. L'année suivante, la rencontre fortuite à Athènes de Maurice Barrès inaugure une amitié qui ne sera pas sans influence sur sa carrière littéraire. Sur un autre plan, il s'est lié, vers la même époque, avec la plupart de ceux qui joueront un rôle marquant dans la crise moderniste (Maurice Blondel et Lucien Laberthonnière, le jésuite anglais George Tyrrell et son amie miss Petre, le baron Friedrich von Hügel, Alfred Loisy enfin). Ces relations et la sympathie d'idées qu'elles font supposer, une profonde crise personnelle d'autre part rendent sa position difficile à l'intérieur de la Compagnie de Jésus, qu'il doit quitter en février 1904. Il est alors rattaché officiellement à son diocèse d'origine (Aix), mais on l'y laisse libre de se consacrer à ses travaux littéraires. Des conflits du modernisme, il reste un témoin discret mais passionné et joue un rôle actif en coulisse. Par fidélité à Tyrrell (qui fut sans doute le plus proche de ses amis), il n'hésitera pas à se compromettre. Celui-ci étant mort (15 juillet 1909) sans avoir rétracté les idées qui l'avaient fait condamner, les obsèques catholiques lui sont refusées ; Bremond accompagne le corps au cimetière, récite quelques prières et prononce une allocution : frappé aussitôt de suspense a divinis, il devra souscrire une formule d'adhésion aux actes du magistère qui réprouvaient le modernisme. À la suite de cet épisode, il demeurera « suspect » pour certains et connaîtra de nouvelles alertes (mise à l'Index de sa Sainte Chantal en 1913, menaces de condamnation en 1924, puis en 1929...).

Ses premiers essais littéraires manifestaient déjà la conscience, aiguisée par la lecture de Newman et la rencontre de Blondel, de ce qui allait être « le souci » et « l'ambition » de sa vie : une vaste « enquête sur le sentiment religieux » qui, dépassant le notionnel pour atteindre le réel et déjouant les pièges du discours, arriverait à « étreindre le témoignage vivant rendu à la réalité de la foi ». Il privilégiait l'inquiétude religieuse (c'est le titre de son premier recueil), opposée aux trompeuses sécurités du dogmatisme. L'Angleterre contemporaine l'attire également, dans le dessein de constituer à son propos une « psychologie religieuse » entendue comme « science de Dieu agissant dans les âmes » : si les livres et articles publiés concernent surtout Newman (en[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur à l'université des sciences humaines de Strasbourg

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