CALET HENRI (1904-1956)
Henri Calet occupe dans le champ littéraire français la place paradoxale d'un écrivain faussement simple, qui conserve un demi-siècle plus tard un charme singulier.
C'est le premier mari de sa mère, Sophie Anne Claus, qui lui donne son nom : Barthelmess. Mais il est le fils de Raymond Feuillaubois, dit « Théo », qui restera le compagnon de sa mère jusqu'à la fin de sa vie. Plus tard, lorsque l'auteur se choisira un faux nom, il en fera également son pseudonyme d'écrivain. Calet a porté à ses parents, liés aux milieux anarchistes, une affection sans limites dont témoignent des œuvres largement autobiographiques comme La Belle Lurette (1935), Le Tout sur le tout (1948) ou Les Grandes Largeurs (1951). Ces livres narrent les aléas de la vie de ces deux personnages singuliers, qu'il suit au cours de leurs incessants déménagements dans les quartiers populaires de Paris : Belleville, Grenelle, Ménilmontant, La Villette, les Ternes... Un Paris un peu ancien, qui deviendra le troisième personnage clé de son œuvre, avec plus tard une passion particulière pour le XIVe arrondissement. Son enfance et son adolescence se passent aussi en Belgique, et le séjour qu'il fit à l'hôpital de Berck le marqua durablement. La grande rupture se produit en 1930, quand Calet dérobe à l'entreprise qui l'emploie une grosse somme d'argent pour partir en Amérique du Sud mener la grande vie, ce qu'il transposera en partie dans son roman Un grand voyage (1952). Revenu en Europe, il rentre clandestinement à Paris où il mène une vie difficile. Un nouveau départ lui est offert par Jean Paulhan, directeur de La N.R.F., qui remarque La Belle Lurette et décide de l'éditer. Jusqu'à la guerre, Calet publie deux romans, Le Mérinos (1937) et Fièvre des polders (1940), des articles, des comptes rendus d'ouvrages dans La N.R.F. et Europe, tout en animant l'émission « Le Quart d'heure de La N.R.F. » sur Radio-37. De sa mobilisation en 1940, de la débâcle, de sa capture et de son internement, il fera la matière du Bouquet (1945), où le tirailleur Gaydamour subit la défaite de tout un peuple dans le déplaisir mais sans véritable révolte. Devenu après sa libération directeur d'usine dans la Drôme, il fait acte de Résistance (épisode évoqué dans Une stèle pour la Céramique, 1996).
C'est alors que commence pour lui une carrière de journaliste, dans la presse écrite, mais aussi à la radio, et déjà à la télévision. Ses articles paraissent principalement dans Combat où il côtoie Albert Camus, Pascal Pia, Marc Bernard, dans Terre des hommes, revue dirigée par Pierre Herbart, et aussi dans de nombreux journaux nés de la Résistance. À mi-chemin entre l'ethnologie urbaine et le compte rendu subjectif de la réalité sociale, ces chroniques, rédigées dans un style reconnaissable dès leur titre, seront reprises pour certaines dans des recueils posthumes comme Contre l'oubli (1956), Acteur et témoin (1959), De ma lucarne (2000), Poussières de la route (2002). Elles donnent le ton de toute l'œuvre, et leur lecture s'enrichit des notes que Calet accumula pour un gigantesque ouvrage qu'il projetait d'écrire sur Paris. S'il n'en vint jamais à bout, au moins Peau d'ours (1958) et Paris à mon pas en gardent-ils trace. Profondément humaines, attachées au détail qui fait le sel de la vie, sobres dans l'énonciation et humbles dans la pensée, amusées et tristes, les notes et les chroniques surprennent par leur tour singulier. L'écriture romanesque trouve sa maîtrise dans Monsieur Paul (1950), roman terrible où Calet confie à son personnage, Thomas Schumacher, le soin de dire à son fils de quelle union il est le fruit et quelle sorte de vie mène son père. Les dernières années de l'écrivain furent marquées par une orientation nettement journalistique : enquêtes[...]
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Écrit par
- Michel P. SCHMITT : professeur émérite de littérature française
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