HENRI D'OFTERDINGEN, Novalis Fiche de lecture
Une apologie de la poésie
Le voyage d'Henri s'apparente à un parcours initiatique : le jeune homme s'ouvre progressivement à la connaissance et à la poésie du monde. Pour Novalis, la poésie ne saurait se concevoir sans un certain nomadisme. Lors de ses pérégrinations, Henri d'Ofterdingen entre en relation avec les personnes les plus diverses. Les négociants qui voyagent avec lui, les croisés de retour au pays, leur jeune captive, l'Orientale Zulima, le vieux mineur Werner, le comte de Hohenzollern, ermite retiré dans une grotte, le poète Klingsohr, tous contribuent à rendre le jeune héros réceptif à la richesse du monde. Grâce à leurs récits et à leurs romances, Henri apprend à connaître des lieux exotiques : le Sud, l'Orient, l'univers fascinant de la mine... Simultanément, les objets connus lui semblent désormais revêtus de la dignité qui, d'ordinaire, enveloppe l'inconnu. Il s'agit donc au sens propre de réenchanter le monde. Au fur et à mesure de la progression du récit, le lecteur du roman se voit confronté à une véritable cosmogonie : « Dans l'âme d'Henri se reflétait la féerie du soir. Il avait le sentiment que le monde, grand ouvert, reposait en soi-même et lui montrait, comme à un hôte intime, tous ses trésors et ses secrètes beautés. Grandiose et simple, tout lui apparaissait, alentour, si facile à comprendre ! » Dans l'esprit de Novalis, déchiffrer le chant de l'univers, c'est rendre à nouveau audible la parole des fleurs, des plantes, des animaux et des pierres : « La nature tout entière doit avoir été, dans des temps fort anciens, bien plus vivante et plus pleine de signification qu'aujourd'hui. »
À côté de ces éléments proprement thématiques, la volonté d'écrire une apologie de la poésie est inscrite dans la structure même du roman. La plupart des personnages que rencontre Henri se mettent à lui raconter des histoires : le roman se lit comme un enchaînement de récits. Récit de récits, il ressemble en ce sens au Décameron (1349-1351) de Boccace. Les divers niveaux de la narration, ainsi que le monde imaginaire et le monde réel, sont liés entre eux par un réseau d'analogies complexes. Dès les premières pages où se développe notamment le célèbre et polysémique rêve de la « fleur bleue » qui allait fasciner André Breton et les surréalistes, le roman tout entier se trouve parcouru de prémonitions et de reprises mystérieuses, de correspondances et de symboles récurrents. Le récit principal et les récits insérés sont de surcroît entrecoupés de poèmes et de romances. Prises une à une, ces pièces d'une profonde musicalité contribuent pour une grande partie au charme du roman. La fonction de ces poésies n'est pas cependant uniquement « décorative » : par un effet de mise en abyme tout à fait caractéristique du premier romantisme allemand, elles contribuent à faire du roman de Novalis une « poésie de la poésie », c'est-à-dire une véritable célébration de la littérature.
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Écrit par
- Christian HELMREICH : agrégé d'allemand, ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université de Paris-VIII
Classification
Média
Autres références
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NOVALIS (1772-1801)
- Écrit par Catherine KOENIG
- 2 606 mots
- 1 média
>« Le roman doit être poésie de part en part », écrit Novalis. Poésie, par le héros, Heinrich von Ofterdingen, qui ne conserve de son homonyme troubadour que peu de chose, hors les récits de guerres saintes et de chevaliers. Poésie, de par cette volonté de l'auteur d'en faire un « Anti-Meister », un...