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TOULOUSE-LAUTREC HENRI DE (1864-1901)

Toulouse-Lautrec , c'est une vie. Une vie singulière, entièrement commandée par un événement initial, accidentel, aux conséquences effroyables. Comme cet homme ainsi marqué d'un sceau fatal fut un artiste, on ne peut étudier son art sans tenir compte de sa biographie. Au reste, son cas est analogue à celui de quelques grands artistes et grands poètes contemporains, apparus dans une société bourgeoise fortement structurée, ayant ses croyances, ses modes, sa morale, et qui ont trouvé dans les particularités de leur destin une incitation à s'exprimer en totale opposition à tout ce conformisme. Ainsi, il s'est produit, dans le domaine des formes et des idées, au cours des vingt dernières années du xixe siècle, une rupture due à la subjectivité de quelques hommes de génie. Et le terme de génie prend ici tout son sens de différence radicale et décisive.

Toulouse-Lautrec - crédits : Maurice Guibert/ Hulton Archive/ Getty Images

Toulouse-Lautrec

Oscar Wilde, Toulouse-Lautrec - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Oscar Wilde, Toulouse-Lautrec

<it>Moulin-Rouge : La Goulue</it>, H. de Toulouse-Lautrec - crédits : Indianapolis Museum of Art/ Getty Images

Moulin-Rouge : La Goulue, H. de Toulouse-Lautrec

Toulouse-Lautrec a été un de ces hommes. Si, en tant qu'artiste, il doit être considéré comme une des sources de ce qu'on appellera l' expressionnisme, c'est que son drame personnel a fait naître en lui un besoin d'expression d'une violence extrême. C'est cette violence d'expression qui constitue son art et son style.

La condition de Toulouse-Lautrec

Henri de Toulouse-Lautrec est né à Albi, du comte Alphonse de Toulouse-Lautrec-Monfa et de la cousine de celui-ci, Adèle Tapié de Céleyran. Vieille noblesse occitane, qui remonte peut-être aux comtes de Toulouse, héros des guerres cathares. Et noblesse campagnarde, confinée dans sa province et dans des traditions chimériques. Le jeune garçon est élevé dans les propriétés de la famille, puis il ira au lycée à Paris. Son père est un personnage extravagant, féru de courses et de chasses. D'ailleurs, tout cet énorme groupe tribal vit dans la familiarité des chiens et des chevaux, et ceux de ses membres qui ont un brin de talent de dessinateur ou d'aquarelliste – talent souvent remarquable – en font leurs modèles favoris à côté de portraits de parents. La mère du jeune Henri est une créature malheureuse, d'une douceur et d'une sensibilité qui tranchent avec les allures de ce petit monde féodal. Elle sera adorée de son fils.

Deux accidents, à quelques mois de distance, en 1878, font de ce fils un nabot. Il a quatorze ans. Son sort est dès lors tracé : celui d'un marginal, sinon d'un monstre. Le buste témoigne encore de l'homme vigoureux, sportif, amateur d'équitation, de natation, de navigation, qu'il eût dû rester, que, furieusement, il s'acharne à rester pour la rame et la voile. Les jambes sont raccourcies, torses, atrophiées. La tête, là-dessus, semble démesurée. Néanmoins, toute blessée, injuriée qu'elle est, la vitalité de cet être se montre encore impatiente, éclate en un besoin forcené de déambulation en une bousculade de propos fantasques. Mais il ne se peut que l'avilissement physique ne transperce, dans l'expression du visage, la beauté du regard derrière le binocle, les lèvres épaisses et tristes, encadrées par la faunesque rudesse de la barbe et de la moustache. Cet homme, plus qu'aucun autre, a pris conscience de ce que peut devenir un destin absurde quand plus rien ne l'arrête : on croirait qu'il va toucher au tragique, au sublime. En réalité, il atteint le niveau du grotesque.

La vocation de Lautrec a éclaté très tôt, encouragée par un peintre ami de la famille, Princeteau, sourd-muet, donc touché, sans doute, de se découvrir un petit frère dans un autre infirme. Cette vocation, d'emblée, brûle les étapes. Le jeune Lautrec trouve dans le dessin le moyen le mieux approprié à rendre cette vérité de caractère et de relief, presque caricaturale, qui, pour lui, est la vérité des gens et des choses, celle de tous les personnages de son entourage, y compris, bien entendu, les chevaux. En peinture aussi[...]

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Toulouse-Lautrec - crédits : Maurice Guibert/ Hulton Archive/ Getty Images

Toulouse-Lautrec

Oscar Wilde, Toulouse-Lautrec - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Oscar Wilde, Toulouse-Lautrec

<it>Moulin-Rouge : La Goulue</it>, H. de Toulouse-Lautrec - crédits : Indianapolis Museum of Art/ Getty Images

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