DUTILLEUX HENRI (1916-2013)
Dès ses premières partitions, Henri Dutilleux s'imposa comme une figure particulière de la musique française ; il fut peut-être le seul compositeur de sa génération capable de réunir les suffrages des musiciens de toutes tendances. L'avant-garde comme les défenseurs d'une certaine tradition respectaient en lui l'homme indépendant, ouvert à toutes les nouveautés, l'artiste honnête, en quête perpétuelle de son propre langage, démarqué des grands courants de la création musicale, qu'il était loin d'ignorer cependant. Dutilleux composa peu et chacune de ses œuvres nouvelles étaient un événement qui attirait l'attention sur un homme dont la qualité première était pourtant l'effacement.
Un créateur indépendant
Henri Dutilleux voit le jour en 1916 à Angers dans une famille originaire de Douai réfugiée pendant l'occupation allemande. Il commence ses études musicales au conservatoire de Douai avec Victor Gallois. En 1933, il arrive à Paris pour poursuivre sa formation au Conservatoire, où il remporte des premiers prix d'harmonie (1935, classe de Jean Gallon), de contrepoint et de fugue (1936, classe de Noël Gallon). Il travaille aussi l'histoire de la musique avec Maurice Emmanuel, la direction d'orchestre avec Philippe Gaubert et la composition avec Henri Büsser. En 1938, il remporte un second prix de composition et le premier grand prix de Rome. Son séjour à la villa Médicis est interrompu par la guerre. Sitôt démobilisé, il attire l'attention avec une Sarabande pour orchestre que crée Claude Delvincourt aux concerts Pasdeloup (1941). Puis voient le jour Quatre Mélodies (1943), Danse fantastique pour orchestre (1942), la Sonatine pour flûte et piano (1943), La Geôle, mélodie avec orchestre sur un poème de Jean Cassou (1944).
En 1942, Dutilleux est nommé chef de chant à l'Opéra de Paris. Puis il occupe les mêmes fonctions à la radio (1943-1944) avant d'y prendre la direction du service des illustrations musicales (1945-1963). Il compose alors de nombreuses musiques de scène, musiques de film et partitions radiophoniques qu'il refuse maintenant de voir sortir de leur contexte et laisse inédites. En 1946, il épouse la pianiste Geneviève Joy, qui deviendra la dédicataire et l'interprète de ses œuvres pour piano : la Sonate pour piano qu'elle crée deux années plus tard marque une rupture avec les œuvres antérieures, qui baignaient encore dans l'héritage impressionniste. Un an auparavant, il avait composé une Sonate pour hautbois et piano.
Pendant les vingt années qui suivent, Henri Dutilleux se consacre presque exclusivement à l'orchestre, livrant un petit nombre de chefs-d'œuvre qu'imposent d'emblée des interprètes exceptionnels : Symphonie no 1 (Roger Désormière et l'Orchestre national, 1951), Le Loup, ballet sur un argument de Jean Anouilh et Georges Neveux (Roland Petit, 1953), Trois Sonnets de Jean Cassou, pour baryton et orchestre (1954), Symphonie no 2 « Le Double », commande de la fondation Koussevitzky pour le 75e anniversaire de l'Orchestre symphonique de Boston (Charles Münch, 1959), Métaboles, commande de l'Orchestre de Cleveland pour son 40e anniversaire (George Szell, 1965), Tout un monde lointain... pour violoncelle et orchestre (Mstislav Rostropovitch, 1970). Seules exceptions au sein de cette production symphonique, une mélodie sur un poème de Paul Gilson en hommage à Francis Poulenc, San Francisco Night (1964), et une pièce pour piano dédiée à Lucette Descaves, Résonances (1965).
En 1961, Alfred Cortot lui confie une classe de composition à l'École normale de musique ; de 1970 à 1984, Dutilleux est professeur au Conservatoire de Paris. Pendant plusieurs années, il est également secrétaire de la section française de la Société internationale de musique contemporaine (S.I.M.C.), fonctions qui le mettent[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
Classification
Médias
Autres références
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JOY GENEVIÈVE (1919-2009)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 440 mots