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FOCILLON HENRI (1881-1943)

L'œuvre historique

On ne trouve de véritable application de cette pensée que dans quelques articles de Focillon (« Généalogie de l'unique », 1937 ; « Les Sciences sociales en France », 1937 ; introduction au livre posthume Survivances et réveils, 1943) ; mais la méthode et les principes sur lesquels elle était fondée sous-entendaient tout son enseignement et son œuvre d'historien. Celle-ci est très vaste, embrasse plusieurs civilisations, va du haut Moyen Âge jusqu'à l'époque contemporaine ; pourtant, l'essentiel de ses écrits concerne l'art occidental du Moyen Âge, le xviiie et le xixe siècle européen.

L'histoire de la gravure intéressa tout particulièrement Focillon : son dernier article présentait un graveur américain, Brenson, et sa première étude, en 1906, était consacrée à la lithographie du xixe siècle ; deux ouvrages importent surtout, dans ce domaine : sa thèse de doctorat sur Giovanni Battista Piranesi (1918) et le volume Les Maîtres de l'estampe (1930). D'une certaine manière, toute la méditation de Focillon sur l'art fut dominée par son amour pour la gravure, et en particulier l'eau-forte, « où il voyait un moyen particulièrement apte à faire apparaître le contact entre l'esprit et la matière, la sensibilité et la technique », le domaine où les contraintes du métier laissaient mieux transparaître l'apport personnel de l'artiste. Mais son Piranèse est, en même temps, une étude de la société italienne et romaine au xviiie siècle, fond sur lequel l'artiste se détache par contraste, comme s'il était étranger à ce temps ; et l'influence de ce « visionnaire » ne se propage pas en lignes droites, elle agit par secousses, grâce aux affinités qui défient l'histoire conçue comme un développement continu et uniforme. En fait, les fondements de la Vie des formes sont déjà posés dans ce livre.

Des nombreuses études sur l'art du xixe siècle, on retiendra surtout les deux volumes sur La Peinture aux XIXe et XXe siècles (1927-1928). Le xixe siècle était pour Focillon le « grand siècle », celui dont les mouvements intellectuels et artistiques apportèrent à l'histoire les enrichissements essentiels. Le livre est « engagé », en quelque sorte, par la conviction de l'auteur à affirmer ses préférences idéologiques ou esthétiques. Ce fut, en langue française, la première synthèse de la peinture européenne moderne ; peut-être ne fut-elle pas dépassée. Sur le plan de la méthode, toutes les divergences et les convergences entre la « vie des formes » et les courants de l'évolution sociale ou intellectuelle se dessinent clairement, la peinture n'illustrant pas le siècle, mais apparaissant comme une forme qui, parmi d'autres, l'anime et lui « donne forme ».

Mais c'est à l'art médiéval que Focillon a réservé, pendant les vingt dernières années de sa vie, les réflexions les plus fécondes. Il renouvela les méthodes françaises d'étude de l'art roman par son Art des sculpteurs romans (1932), en dépassant les considérations archéologiques sur la chronologie, les filiations et l'iconographie, par les définitions formelles du style et de son équilibre instable. La notion de « stylistique monumentale » (à laquelle Jurgis Baltrušaitis ajoutait, au même moment, la notion de « stylistique ornementale ») détermine un système formel dont on peut étudier les origines, la formation, la maturité et le déclin. Focillon entreprit, en 1934, avec ses élèves, une vaste enquête sur la sculpture romane ; mais la guerre empêcha la poursuite de ce travail. L'architecture gothique, à laquelle il réservait une place importante dans son enseignement, ne lui fournit que la matière de quelques articles (tel « Le Problème de l'ogive », 1935) ; ce fut pourtant le domaine privilégié[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

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