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AGUESSEAU HENRI FRANÇOIS D' (1668-1751)

Contrairement à ce que l'on croit souvent, il ne faut pas s'exagérer l'importance de la coupure entre l'Ancien Régime et la Révolution. Si bon nombre d'aristocrates, selon une phrase célèbre, se sont réveillés avec Voltaire en pleine fermentation révolutionnaire, il n'en a pas été de même dans la classe moyenne. Issu du milieu parlementaire, auquel il restera très attaché, d'Aguesseau est le symbole et le guide de la bourgeoisie du xviiie siècle. Antiféodal, il aide ses contemporains à prendre de l'unité nationale une conscience qui expliquera le sursaut de Valmy. Libéral, sinon tolérant, en matière de religion comme de censure, on a pu dire que la politique religieuse de la Révolution (constitution civile du clergé), en intégrant l'Église dans l'État, en la « nationalisant pour ainsi dire », était dans la droite ligne du gallicanisme du chancelier.

En dépit de la réserve à laquelle l'oblige sa position officielle, d'Aguesseau apparaît en politique comme un esprit réformateur : il traduit les aspirations de la bourgeoisie instigatrice de la Révolution.

Juriste de son temps, il tient compte de tous les progrès réalisés à son époque. Centralisateur, il est considéré comme le précurseur du Code civil par son travail d'uniformisation du droit. Humaniste, il s'adonne à toutes les disciplines et stimule l'esprit de ses contemporains ; rien de ce qui est humain ne lui est étranger. Il s'intéresse à la médecine et prendra des mesures utiles lors de l'épidémie de peste de Marseille, en 1720. Ses connaissances en agriculture lui permettront, notamment, d'enrayer la famine de 1709. Le système qu'il invente pour apprécier les quantités de blé existant dans le pays gardera le nom du fonctionnaire chargé de l'expérience : Barrême.

Surtout, à cette époque où sont en plein essor des disciplines qui seront considérées par la suite comme concurrentes, sciences dites humaines d'une part, sciences positives de l'autre, il est remarquable de constater que, dans ses Instructions propres à former un magistrat, il est partisan d'un juste milieu. Il recommande aux jeunes avocats l'étude des sciences, tout particulièrement la lecture de Descartes, car il a été l'élève d'un de ses disciples : Malebranche. Mais, à l'encontre de ce dernier, il insiste sur l'importance de l'histoire. Pour d'Aguesseau, le droit ne se réduit pas à des connaissances techniques. Nombre de matières qui feront partie de l'enseignement juridique moderne lui sont familières : droit international privé, science politique, philosophie du droit. En économie politique, enfin, il discute avec pertinence le système de Law et en dénonce les excès (Considérations sur les monnaies et Mémoire sur le commerce des actions de la Compagnie des Indes).

Esprit pratique et cartésien, il applique au droit la méthode rationaliste. Plus encore que Domat, il s'efforcera de mettre « les lois civiles dans leur ordre naturel ». L'unité de la raison le conduit à l'unité du pouvoir. Étatiste et centralisateur, il lutte contre la diversité du droit issu de la coutume. Réaliste, il comprend l'impossibilité d'une codification d'ensemble, à son époque, et se contente de préluder au Code civil avec les grandes ordonnances unifiant le régime des donations et des testaments.

« Homme du roi, de la religion, de la patrie », d'Aguesseau n'en aura pas moins droit à une médaille gravée à Paris en 1792. Qu'il s'agisse de lutter contre les spéculateurs, les ultramontains ou les féodaux, les révolutionnaires, comme ses contemporains, ont retenu de lui la leçon d'un patriotisme intransigeant qui sera le grand thème de la Révolution française.

— Jehan de MALAFOSSE

Bibliographie

J.-L. Chartier, [...]

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  • MERCURIALE

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