GAUDIN HENRI (1933-2021)
Figure particulièrement représentative d'une génération d'architectes qui s'affirma au cours des années 1980, Henri Gaudin en est aussi l'une des figures les plus solitaires. Il n'a guère fait école et ne l'a pas cherché, développant un style propre et une réflexion nourrie d'histoire, de philosophie et de sensibilité aux sites, sans cesse travaillée par le dessin.
Des logements sociaux
Né le 25 novembre 1933 à Paris, Henri Gaudin opte pour la marine marchande à la fin de son adolescence afin d'échapper à son milieu familial. Il navigue durant trois années et entre en 1956 à l'atelier Arretche de l'École des beaux-arts, à l'instigation d'un cousin, l’inventeur Paul Arzens, auteur de nombreuses locomotives pour la SNCF et de quelques étranges voitures expérimentales.
Il sera le favori du professeur, remportant divers prix et bourses qui financent notamment un voyage d'études aux États-Unis au cours duquel il découvre les artistes new-yorkais. Il travaille quelque temps, vers 1968, dans l'agence américaine de Harrisson et Abramovitz et, à son retour à Paris en 1969, se fait embaucher, grâce à Louis Arretche, au sein de l’APUR, l’atelier parisien d'urbanisme qui venait d'être créé. Il y reste quatre ans. Assez étranger à cet univers technocratique, il assiste néanmoins aux remous de l'époque pompidolienne et à la lente montée de la culture urbaine.
Sa première œuvre, élaborée avec Charles Maj, sera la construction de deux écoles à Souppes-sur-Loing (1973). Les architectes y associent deux bâtiments plutôt linéaires, à tête cylindrique, dans lesquels apparaissent déjà, derrière une grande sobriété d'écriture, quelques surplombs, quelques ondulations, une fragile passerelle en verrière, esquisses de préoccupations spatiales que les recherches ultérieures d'Henri Gaudin vont amplifier.
Les travaux qui le font accéder à la notoriété ont pour terrain le logement social et les sites désespérément vierges, comme c'était souvent la règle en France dans les années 1960 et 1970. Il est longtemps condamné à créer dans les villes nouvelles, avec, à chaque commande, quelques dizaines de logements seulement, des espaces qui vont tenter d'exprimer la densité, l’imprévisibilité, la chaleur contrastée des villes traditionnelles.
C’est d'abord l'opération d'Élancourt-Maurepas (1981), événement retentissant par ses qualités urbaines et par l’originalité d'une esthétique teintée de sensualisme, opération encore marquée par la pensée modulaire, répétitive et systématique des années 1970 mais qui déploie avec une aisance inaccoutumée des façades ondulantes de carrelage et d'enduit blancs, des placettes lovées autour du cylindre des cages d'escalier, des murs et des tonnelles. Puis celle d'Évry-Courcouronnes (1985), plus haute et grandiose, légèrement dramatique peut-être, avec des parcours complexes, des fractures, des enroulements, des escaliers aux allures théâtrales, de hautes cheminées. Des opérations du même ordre s'achèvent en 1990 dans la ville nouvelle lyonnaise de L’Isle-d'Abeau et en 1993 à Villejuif.
Ces différentes opérations sont mues par l'idée que l'architecture et l'urbanisme ne constituent qu'une même discipline ; elles cherchent à retrouver les qualités non pas des places et rues des traditions classique ou haussmannienne, mais plutôt celles des venelles et des passages, des étroitesses de Prague ou de Rome, et cette intimité, cette « vapeur du plein et du vide » qui fait Venise.
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Écrit par
- François CHASLIN : critique d'architecture
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