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GAUDIN HENRI (1933-2021)

Les écarts et les intervalles des constructions

Si Henri Gaudin rejette l'héritage moderne, ce n’est pas au nom du néo-classicisme, comme tant d'autres architectes au cours des mêmes années, mais parce qu’il est animé par une quête de la complexité. À l'espace moderne, fruit d'une conception des objets architecturaux séparés par du vide, de la distance inscrite dans les règlements, les techniques et l'esthétique, il oppose la compacité travaillée par le vide, les « poches » et la profondeur des lieux qui s'ouvrent, car l'architecture lui paraiît devoir d'abord être accueillante pour le corps.

Dans le centre d'Arcueil, l’ensemble de la Maison des gardes (1988), étiré le long d'une ruelle, massif, couronné d'une corniche arrondie, est en quelque sorte pour lui l'occasion d'entrer en ville par la banlieue. Enfin, c’est Paris, avec deux édifices modestes achevés en 1987 : un petit immeuble d'angle, rue de Ménilmontant, dans lequel il crée, derrière des façades relativement lisses, quelques accents cadencés, des déboîtements, des coursives et une ouverture en diagonale vers le centre confus de ce vieil îlot typique des quartiers ouvriers de l'Est parisien. Le collège de la rue Tandou, près du bassin de La Villette, avec des fractures qui s'ouvrent au coin d'une façade nacrée, des organisations de mouvements sinueux et d'angles aigus, et de minces verrières à l’articulation des formes.

Cette architecture de l'ombre et du mouvement de la lumière, assez nue, muette et blanche, animée de quelques accents, est nourrie de l'idée paradoxale qui court tout au long de l'œuvre d'Henri Gaudin : « le vide est ce qui relie ». Cette idée est approfondie au début des années 1980 pendant la rédaction de La Cabane et le labyrinthe, ouvrage qui explore l'espace médiéval, « refuge contre l'abstraction », pour y retrouver cette « science de l'agglomération » qu'ont pu mettre en œuvre au xxe siècle des architectes aussi différents qu’Alvar Aalto, Alvaro Siza ou Lucien Kroll.

Vient alors pour Gaudin le temps des grands projets parisiens : celui des concours perdus (extension des Archives nationales en 1983, cité musicale de La Villette en 1984 et Bibliothèque de France en 1989) mais aussi des concours gagnés en association avec son fils Bruno (qui devient officiellement son associé en 1995). Le bâtiment des Archives de la ville, campé sur les hauteurs de la porte des Lilas, est inauguré en 1990. Il organise de forts silos opaques sur la surface desquels semblent se hisser des escaliers en saillie, un édifice abritant les salles de lecture au mobilier de bois blond et, serrée entre eux, une anfractuosité lumineuse qui les sépare « pour les rejoindre ».

L'agrandissement du musée Rodin dans les jardins de l'hôtel Biron lui est confié au terme d'un concours remporté en 1988. Il suscite quelques polémiques, bien qu'il consiste en un très subtil travail d'éclairage, de volumétries de verre et de lanternes s'immisçant dans l'ancienne chapelle néo-gothique de la rue de Varenne, de lumières zénithales et latérales conjuguant habilement leurs effets. Henri Gaudin mène également à bien les travaux de transformation du Musée national des arts asiatiques-Guimet, achevés en 2001.

L’ensemble formé par la Maison du sport français (1992) et le nouveau stade Charléty (1994), à la porte de Gentilly, est son grand œuvre, pour lequel il reçoit le prix de l’équerre d’argent. Il regroupe un monde de toits, de verrières et d'escaliers dans le creux que ménagent entre eux un édifice linéaire et la vaste ellipse du stade, cernée par une couronne de mâts obliques qu’articule sur un mode expressif une structure de câbles, de bielles et de butons d'acier.

L’extension de l'hôtel[...]

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    ...panneaux de verre sertis de moucharabiehs qui, selon l'intensité lumineuse, s'ouvrent et se referment grâce à des milliers de cellules photo-électriques. Auteur, avec son fils Bruno, du stade Sébastien-Charléty et de la Maison du sport français, boulevard Kellermann et avenue de la Porte-de-Gentilly (...