HENRI IV (1553-1610) roi de France (1589-1610) et de Navarre (1572-1610)
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La fin d'un règne
On voit à quel point la réalité du règne correspond mal aux images d'Épinal : la vision idyllique du paysan trouvant chaque dimanche sa « poule au pot », la phrase fameuse « labourage et pâturage, mamelles de la France ». Contrainte à un jeu d'équilibre constant entre deux idéologies toujours prêtes à s'affronter, toujours méfiantes, s'appuyant sur une coalition temporaire d'intérêts provisoirement attachés au même maître, la royauté n'a guère la possibilité d'avoir une action profonde sur le pays.
L'abandon de la masse paysanne
Composer d'un côté, imposer de l'autre, à tour de rôle ; la victime de cette nécessité est le peuple des campagnes. Le monde urbain, surtout le parisien, en souffre moins. Au relâchement du mercantilisme créateur correspond (cause ou effet ?) une véritable politique de rénovation urbaine. La sensibilité artistique du roi n'est probablement guère en cause. Il cherche, tout simplement, à relancer la construction. D'où le plan grandiose de la place Royale, conçue primitivement pour les ouvriers d'une manufacture de soie et de fils d'argent ; d'où encore l'aménagement de la place Dauphine, l’achèvement du pont Neuf (1609), du pont Marchant (1608) et des lotissements des bords de Seine. Parallèlement, la vogue des châteaux privés s'exaspère. La grande vague de pierre qui s'apprête à recouvrir la France débute : signe qui témoigne de l'enrichissement des « classes » nouvelles et de l'exploitation du monde rural. Le fragile équilibre politique paraît s'être traduit par un abandon partiel de la masse rurale aux politiques économiques rurales nouvelles, résumées entre autres par la métairie. L'ambassadeur anglais Carew écrivait en 1609 : « On tient les paysans de France dans une telle sujétion qu'on n'ose pas leur donner des armes [...]. On leur laisse à peine de quoi se nourrir. » Pour sombre que paraisse l'affirmation, elle ne laisse pas de correspondre à quelque réalité. Il convient donc de ramener l'importance des mesures prises par la royauté en faveur des paysans à de plus justes proportions ; ce sont des mesures de circonstances destinées à pallier les effets des abus les plus criants : abaissement de la taille (pas toujours durable), restitution des communaux aux paysans, encouragements divers – dont on peut se demander quelle a été leur efficacité. À la vérité, le redressement rural est le fait de la paix retrouvée, parfois aussi des efforts de reconstruction des propriétaires.
En même temps, la reprise du mouvement démographique s'amorce. Ainsi, dans le comté nantais, le règne correspond au redressement de la courbe de natalité rurale, en baisse depuis les années 1560-1570. Dans le Languedoc, même reprise démographique, sur un rythme ralenti par rapport au xvie siècle. Dans le Beauvaisis, l'époque 1580-1645 doit être considérée comme un « plafond démographique ». La tendance à la reprise paraît donc nette, mais d'ampleur variable de région à région.
Au surplus, il n'existe pas encore de véritable unité économique française. Par la force même des choses, le rythme de la respiration économique, partant de celui des prix et des crises, est orienté, dans le nord de la France, par celui des grands foyers de la Méditerranée nordique, de l'Angleterre au Sund, en passant par la Hollande. Dans l'Ouest, en revanche, les liens de causalité sont plutôt ceux que déterminent les convois d'argent américain, alors que le Midi est soumis, de plus en plus, aux pulsations très particulières d'un monde méditerranéen qui a perdu de son importance. Ces domaines s'imbriquent et se superposent : les moyens d'action royaux restent, face à ces courants fondamentaux, des plus restreints. Finalement, l'activité royale permet la paix, la création d'embryons[...]
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Écrit par
- Jean MEYER : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes
Classification
Média
Autres références
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- Écrit par Encyclopædia Universalis
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Famille gasconne qui connaît l'apogée de sa puissance aux xive-xvie siècles, les Albret tirent leur nom du petit village de Labrit, sur la route de Bordeaux à Dax et Bayonne.
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Ippolito Aldobrandini est né le 24 février 1536 à Fano (États pontificaux) et mort le 5 mars 1605 à Rome. Titulaire de nombreuses charges ecclésiastiques, il est fait cardinal en 1585 par Sixte V (1585-1590), puis élu pape le 30 janvier 1592, et intronisé le 9 février sous le nom de Clément VIII....
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