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LAURENS HENRI (1885-1954)

Un art de la sérénité

Dès 1917, par un retour timide à la ronde-bosse, Laurens tente de rompre le charme, mais ses figures en bronze ou terre cuite, généralement de petites dimensions, garderont longtemps la raideur simplificatrice, le statisme, la frontalité du cubisme orthodoxe. L'émancipation n'est complète qu'à partir de 1932. À cette date, le sculpteur commence d'édifier un univers de créatures féminines, tout un monde sensuel et grave qu'il ne cessera d'enrichir sa vie durant et pour lequel Maillol puis Matisse ne cacheront pas leur sympathie. Pour la plupart confiées au bronze, ces nymphes, ces ondines, ces centauresses, population joyeuse d'une mythologie familière, conservent, quel que soit leur format, un incontestable caractère monumental. Même au plus fort de sa période cubiste, Laurens n'a jamais remis en cause l'intégrité des masses. En revanche, ce second versant de son œuvre frappe par une audacieuse utilisation des qualités spatiales du vide : étirées, distendues à l'extrême ou brusquement gonflées en une série de déformations systématiques, les figures s'annexent l'espace environnant, se lovent autour de spirales imaginaires (L'Automne, 1948), et, si le bloc primitif finit malgré tout par se reconstituer, il le doit bien davantage aux suggestions d'un invisible judicieusement circonscrit qu'à la compacité sans cesse en péril des volumes. Ces formes enveloppantes, cette succession d'ondes masquant la dislocation des plans et le déplacement des axes n'ont aucune vertu dynamique ; assurer l'équilibre des vides et des pleins, souligner l'indépendance des volumes internes, mettre en valeur un modelé subtil qui récupère les séductions de la lumière (La Petite Sirène, 1945), là est leur triple fonction.

Face à une telle liberté de création, devant une si manifeste et si consciente virtuosité dans le maniement des éléments spatiaux, l'application un peu scolaire des expériences cubistes déconcerte. Sans elles, pourtant, l'art de Laurens n'eût pas abouti à cette expression authentiquement moderne de l'espace plastique.

— Gérard BERTRAND

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