LE SECQ HENRI (1818-1882)
C'est à l'automne de 1986 que la bibliothèque des Arts décoratifs de Paris rendit hommage à l'un des premiers calotypistes français : Jean-Louis Henri Le Secq des Tournelles, plus connu sous le nom de Henri Le Secq. Grâce à l'exposition du fonds de son atelier, conservé à la bibliothèque, et au livre-catalogue, dû à l'historienne américaine Eugenia P. Janis, on en connaît désormais l'œuvre — jusque-là quasi inédite —, soit environ 400 négatifs sur papier ciré et 700 épreuves sur papier salé : monuments religieux de la Mission héliographique, démolition de Paris en 1852 et en 1853, études de forêts à Montmirail, natures mortes...
Comme Roger Fenton, Charles Nègre, Gustave Le Gray, Henri Le Secq étudia la peinture dans l'atelier de Paul Delaroche. Ce dernier, qui manifestait un goût très vif pour la photographie, comme moyen d'expérimentation et d'étude appliqué aux beaux-arts, suscita la vocation photographique de ses élèves ; en compagnie de Gustave Le Gray, Le Secq apprit les rudiments du métier, et auprès de son ami Charles Nègre, s'initia à la scène de genre.
En 1850, il exécuta, à l'instigation de Viollet-le-Duc, une série de vues de la cathédrale d'Amiens, et c'est probablement cette campagne qui lui valut d'être engagé par la commission des Monuments historiques, pour se joindre à la Mission héliographique en 1851 ; elle lui assigna les régions de la Champagne, de la Lorraine et de l'Alsace.
Durant la première moitié de la décennie, Le Secq explore méticuleusement — en adoptant toujours le point de vue le plus inattendu et le plus novateur — les cathédrales gothiques de Reims, de Strasbourg, d'Amiens et de Chartres. L'artiste présente régulièrement ses épreuves dans de nombreuses expositions : les grands critiques de l'époque — Ernest Lacan, Henri de Lacretelle, Paul Périer —, enthousiasmés par ses compositions où les moindres détails, les plus petits grains de la pierre sont rendus « dans leur aspect grave et ascétique », le placent parmi les maîtres de la photographie d'architecture. Pourtant, Henri Le Secq, se sentant peut-être prisonnier de cette réputation, rompt en 1856 avec celle-ci : marines et natures mortes, à l'atmosphère étrange, lui fourniront les nouveaux « motifs » d'une œuvre photographique qui semble, à ce point précis, se détourner de l'exigence documentaire, comme si l'auteur éprouvait malgré tout une nostalgie de la sensibilité et de la tradition picturales. Il ira jusqu'à abandonner complètement la photographie pour se consacrer, le reste de sa vie, au dessin et à la peinture, à la réflexion sur le statut de l'artiste — résumée dans un opuscule intitulé Les Artistes, les expositions, le jury (1863) — et à l'enrichissement d'un vaste ensemble de tableaux, de gravures, de meubles, d'émaux, de bronzes et surtout de pièces de ferronnerie médiévale, qui sera à l'origine du musée Le Secq des Tournelles, à Rouen.
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Écrit par
- Elvire PEREGO : historienne de la photographie, département de la recherche bibliographique, Bibliothèque nationale de France
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