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MICHEL HENRI (1907-1986)

Selon ses propres termes, l'historien Henri Michel fut un laboureur. Pendant quarante ans, il a défriché le vaste champ de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, tâche d'autant plus ardue qu'il devait tailler dans le maquis touffu de souvenirs collectifs contradictoires, conflictuels et souvent douloureux.

Agrégé, il se destinait avant la guerre à une carrière d'enseignant. Mais l'Occupation éveilla en lui une vocation de chercheur. Proche des milieux de la Résistance socialiste dans le Var, il se consacra, après la Libération, à l'édification d'une histoire de la clandestinité, point de départ d'une œuvre prolixe et diverse. En 1947, il est nommé secrétaire de la Commission d'histoire de l'Occupation et de la Libération de la France, créée en novembre 1944. La C.H.O.L.F. fut l'embryon du Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, créé en 1951, et dont Henri Michel deviendra très vite l'organisateur actif pendant près de trente ans, d'abord comme secrétaire général puis avec rang de directeur de recherche au C.N.R.S. Composé d'une équipe efficace et discrète, étoffé d'un réseau original de correspondants départementaux, le C.H.G.M. a fédéré toutes les énergies, lancé la plupart des grandes enquêtes sur l'histoire de la France occupée, contribué à réunir quantité de sources et témoignages indispensables. Soucieux de la réputation des historiens français et de la nécessaire diffusion de leurs recherches, Henri Michel a mis sur pied la Revue d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, et présidé (de 1970 à 1985) le comité international d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, dont il fut l'un des principaux instigateurs. Grâce à ces structures d'accueil, des liens très solides ont été tissés avec la communauté scientifique internationale.

En parallèle, ses travaux personnels (une trentaine de livres) ont connu plusieurs phases, assez représentatives de l'évolution des mentalités collectives. De 1950 à 1966, il se penche presque exclusivement sur l'histoire de la Résistance française. Dans sa thèse d'État Les Courants de pensée de la Résistance, il décrit la multiplicité des motivations et les divisions inhérentes à ce milieu composite. Il révèle l'importance de la chronologie, l'histoire de la Résistance épousant très étroitement l'évolution du conflit mondial et, surtout, la perception qu'en ont les Français. Il accorde enfin une grande part à l'idéologie, car, pour reprendre l'une de ses conclusions, « avant de vaincre, il avait fallu convaincre ». Autant de thèmes qu'il ne cessera ensuite de développer dans ses autres ouvrages.

Avec Vichy, année 1940 publié en 1966, il diversifie son domaine d'investigation, faisant œuvre, là aussi d'initiateur : il montre, parmi les premiers, les rapports étroits entre la politique intérieure de Vichy, la « révolution nationale », et sa « politique extérieure », la collaboration d'État.

De même, il démontre dans Pétain, Laval, Darlan, trois politiques ? (1972) la profonde solidarité qui unit les différents gouvernements de Vichy, prenant à contrepied la thèse d'un « Vichy de Pétain » et d'un « Vichy de Laval », popularisée notamment par Robert Aron.

Henri Michel fut aussi un inlassable pédagogue de la recherche, publiant des textes essentiels (Les Idées politiques et sociales de la Résistance, en collaboration avec Boris Mirkine-Guetzévitch, 1954) ou des études sur les sources et méthodes propres de cet objet d'histoire si complexe (Bibliographie critique de la Résistance, 1964). Fait remarquable, il a rédigé pas moins de six Que sais-je ? sur la plupart des questions touchant cette époque, et plusieurs manuels universitaires (La Seconde Guerre mondiale,[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., Institut d'histoire du temps présent

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