PICHETTE HENRI (1924-2000)
Henri Pichette, de son vrai nom Harry Paul Pichette, est né en 1924 à Châteauroux. Frère du peintre James Pichette, il est le fils d'un Canadien arrivé en France avec l'Expeditionary Corps américain de 1917 et d'une Française d'origine méridionale. D'une enfance troublée et de cette double généalogie, il hérite une langue à la recherche de racines linguistiques ou territoriales fondamentalement imaginaires. À cela se mêle l'expérience de la guerre, qu'il traverse en zazou puis en combattant, composant vers 1942 ses premiers poèmes, Dents de lait, auxquels il joindra vingt ans plus tard des Dents de loup venues dans les années suivantes. Déjà, les deux tendances fondamentales de sa poésie sont en place : le déchirement et la révolte – qui le lient dès 1947 à Antonin Artaud – et l'exigence d'une « poésie sœur des évangiles », où l'efficace de la parole prend source dans la glorification du réel et dans l'incarnation.
En 1947, on joue au théâtre des Noctambules, à Paris, la première pièce de cet auteur de vingt-trois ans, Les Épiphanies, dans une mise en scène de Georges Vitaly servie par trois comédiens d'importance : Gérard Philipe, Maria Casarès et Roger Blin. Les décors sont de Matta et le jeune Maurice Roche compose la musique. Le succès de Henri Pichette est alors immense. Il associe à la représentation de ce « mystère profane », où s'affrontent en cinq temps la genèse, l'amour, la guerre, le délire et l'état, un exercice typographique de haute volée, qui reproduit en 1948 dans sa composition visuelle d'avant-garde, les rythmes et les volumes de la parole poétique. Lecteur de talent, Pichette enregistre sur disque dans la même période aussi bien Rimbaud que Teilhard de Chardin. Il prend une part active au T.N.P., qui lui commande en 1952 Nucléa : cette nouvelle pièce, composée d'un songe et d'un cauchemar et consacrée au péril atomique, est un échec, malgré l'enthousiasme des comédiens, Gérard Philipe, Jeanne Moreau, Charles Denner ou Jean Vilar lui-même, les décors de Calder et la musique de Maurice Jarre.
Dans le même temps, et jusqu'en 1962, sa poésie connaît un partage comparable de succès et d'échec, où la revendication provocatrice (les Apoèmes sensuels et violents publiés en 1947, puis corrigés en 1979) côtoie l'élégie (Le Point vélique, 1950) et les poèmes politiques à la métrique aragonienne (Armes de la justice, repris en 1958 dans l'édition collective des Revendications). Cette première période s'achève sur un long silence, après la parution en 1961 des Odes à chacun, ouvertes sur le « Soleil primordial » et refermées sur « L'Enfance de l'épilogueur ». De 1962 à 1964, Pichette va vivre au Québec, en quête de ses racines familiales et culturelles. Ce n'est que dans les années 1980 qu'on assiste à la « redécouverte » du poète, notamment par François Xavier Jaujard et les éditions Granit : Henri Pichette reprend alors plusieurs de ses livres, qu'il réédite dans des versions plus ou moins définitives, en les accompagnant d'un étonnant lexique, où le poète revendique une érudition de la langue et des parlers en quête de sources perdues ou négligées.
Dès 1962, et jusqu'à ses derniers jours, l'œuvre de Henri Pichette s'est concentrée sur un point précis, à la fois impossible et omniprésent, projet toujours en avant et regret d'un savoir toujours passé : le rouge-gorge, oiseau auquel il consacre de nombreuses recherches et des voyages aventureux est la figure exacte de ce poète exigeant quant aux formes du chant, sensuel, solaire et sélénite à la fois En 1973, il publie un admirable livre d'art, avec son frère James, à partir d'un Fragment du sélénite daté de 1949 en hommage aux diverses lunes[...]
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Écrit par
- Pierre VILAR : maître de conférences à l'université de Pau et des pays de l'Adour, faculté de Bayonne
Classification
Autres références
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THÉÂTRES DE LA RIVE GAUCHE
- Écrit par Colette GODARD
- 1 968 mots
Alors que, sur la rive droite, le Boulevard visait et obtenait les grosses recettes, alors que prenait forme, avec éclat au T.N.P., plus difficilement en province, un théâtre à vocation populaire, quelques pauvres petites salles, presque toutes situées sur la rive gauche de la Seine...