POINCARÉ HENRI (1854-1912)
L'œuvre scientifique
Analyse, équations différentielles et théorie des fonctions
Dans sa thèse de 1878 sur l'intégration des équations aux dérivées partielles à un nombre quelconque de variables indépendantes, Poincaré développa une méthode de résolution dans la ligne des travaux de Cauchy sur la théorie des fonctions d'une variable complexe. Ce faisant, il proposait des notions nouvelles et importantes pour l'analyse, comme les fonctions à espaces lacunaires et les fonctions algébroïdes.
Il reprit ensuite le problème d'un autre point de vue, considérant des équations différentielles à coefficients réels – et, dans un premier temps, du premier degré – et étudiant, par une approche qualitative, la forme générale des courbes réelles représentant les différentes solutions de l'équation différentielle, avant de s'attacher aux aspects quantitatifs du problème. Il établit que ces courbes sont soit fermées soit spirales, et qu'elles peuvent contenir des points singuliers de diverses sortes, définis par leur rapport aux courbes définies par l'équation. Par les « cols » passent deux courbes ; aux « nœuds », une infinité de courbes se croisent ; les courbes tournent autour des « foyers » en s'en rapprochant indéfiniment ; il existe aussi dans certains cas des « centres » entourés par les courbes qui s'enveloppent successivement. En étudiant la distribution de ces diverses espèces de points, Poincaré établit une relation entre leurs nombres analogue à celle qui avait été établie par Descartes et par Euler entre les nombres de faces, de côtés et d'arêtes d'un polyèdre. Il étendit plus tard ces résultats à des systèmes d'équations différentielles plus généraux. Il put également établir que les solutions réelles d'un tel système peuvent être définies par des séries toujours convergentes de puissances d'une variable auxiliaire réelle, précisant ainsi et généralisant un résultat de Cauchy.
Mais sa découverte la plus importante, faite en 1880, fut celle des fonctions dites aujourd'hui « automorphes » (prenant la même valeur par une substitution homographique appartenant à un certain groupe). Il s'agit de nouvelles transcendantes, les fonctions fuchsiennes et kleinéennes (qu'il baptisa ainsi en hommage aux mathématiciens Immanuel Fuchs et Felix Klein), dont la théorie est une extension des intégrales elliptiques. Ces fonctions ont la propriété de permettre de résoudre le problème de l'intégration de toutes les équations différentielles linéaires à coefficients algébriques. Guidé par l'analogie des fonctions elliptiques, il partit de la fonction modulaire étudiée par Hermite et chercha les groupes discontinus des fonctions hyperboliques [(aζ + b) / (cζ + d), a, b, c, d = const.] qui n'altèrent pas le cercle fondamental (défini dans le plan complexe, avec l'origine pour centre, et de rayon unité).
Il eut alors l'idée que ces transformations forment le groupe des déplacements de la géométrie plane non euclidienne, et put formuler ainsi tous les groupes discontinus contenus dans le groupe hyperbolique (groupes fuchsiens) et construire les fonctions uniformes de ζ non altérées par les opérations de ce groupe (fonctions fuchsiennes). Les fonctions kleinéennes et les groupes correspondants sont ceux qui ne conservent pas le cercle fondamental, et sont obtenus par la géométrie non euclidienne en dimension 3.
Poincaré formula, à partir de ses résultats sur ces fonctions automorphes, un grand nombre de propriétés algébriques sur les équations et les courbes. Les fonctions fuchsiennes relatives à un même groupe sont liées par une équation algébrique. Les coordonnées d'un point d'une courbe algébrique quelconque s'expriment par des fonctions fuchsiennes, donc par des fonctions uniformes d'un[...]
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Écrit par
- Gérard BESSON : directeur de recherche au C.N.R.S., Institut Fourier, université de Grenoble-I
- Christian HOUZEL : directeur de recherche au C.N.R.S., professeur à l'université de Paris-VIII-Denis-Diderot
- Michel PATY : directeur de recherche émérite au CNRS
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