ROUSSEAU HENRI (1844-1910)
Définir la place d' Henri Rousseau, le Douanier, l'ancêtre des peintres naïfs, dans l'histoire de l'art moderne est impossible, puisque sa peinture ne relève ni de la tradition ni de son contraire, l'avant-garde. Rousseau est tout simplement un autodidacte de génie, sans culture ni métier : d'où son originalité. C'est cette originalité, du reste, qui l'a rendu célèbre après sa mort, faisant de lui un peintre de premier plan, si bien qu'aujourd'hui la plupart de ses tableaux se trouvent dans les grands musées européens et américains.
La gloire posthume de Rousseau est également à l'origine des recherches qui ont permis d'établir avec précision sa biographie. Rousseau est entré en contact, les toutes dernières années de sa vie, avec l'avant-garde parisienne – Delaunay, Apollinaire, Picasso. La différence était telle entre ses jeunes amis et lui – différence d'âge, de milieu, de culture – que les souvenirs qu'il a laissés ont contribué à former sa légende. Ainsi, en plein xxe siècle, ce peintre à part a-t-il commencé par avoir une légende qui s'est transformée peu à peu en biographie. Mieux informés sur l'homme que ses premiers exégètes, nous le sommes également en ce qui concerne l'œuvre, car beaucoup de ses tableaux, et non des moindres, perdus à l'époque ont été retrouvés de la manière la plus inattendue : La Bohémienne endormie (Museum of Modern Art, New York), en 1923, chez un plombier à Paris ; La Guerre (Louvre), en 1944, chez un cultivateur en Belgique – pour ne citer que les principaux. Quant à la biographie de Rousseau, elle a pu être précisée à partir de 1953, à la suite de la publication de quelques lettres, retrouvées elles aussi par hasard, dans lesquelles il fournit des renseignements précieux sur lui-même.
La carrière d'un amateur
Fils d'un ferblantier qui subit maints revers de fortune, Rousseau passe une enfance pauvre à Laval, sa ville natale, et aux environs de Laval, dans un milieu où rien ne le prédispose à l'art. Élève médiocre, il quitte le lycée sans avoir terminé ses études. À dix-neuf ans, il entre comme employé dans l'étude d'un avoué à Paris. Au cours de son service militaire (qui dure à l'époque sept ans), il a l'occasion de rencontrer à Angers les rescapés de l'expédition au Mexique, envoyés pour soutenir l'empereur Maximilien, et d'entendre leurs récits de la campagne militaire – détail très important qui a mis fin à la légende qui voulait que Rousseau ait été au Mexique et que le souvenir des paysages tropicaux fût à l'origine de ses tableaux exotiques.
Libéré de son service militaire à la mort de son père, il s'installe à Paris en 1868, et il épouse, l'année suivante, la fille d'un ébéniste, Clémence Boitard. Elle lui donnera plusieurs enfants ; une fille seulement survivra.
Il mène une vie de petit employé. D'abord clerc chez un huissier, il devient, en 1871, gabelou à l'octroi de Paris. Contrairement à ce que pourrait faire croire son surnom, il n'a jamais servi dans une douane, n'ayant eu pour tâche que de contrôler les denrées alimentaires à leur arrivée aux portes de Paris. Il semblerait (c'est lui qui l'affirme) que ses supérieurs lui laissaient du temps pour dessiner et peindre. Ses débuts dans la peinture peuvent, en effet, être situés autour de 1870. Amateur passionné, il se fait délivrer en 1884 une carte de copiste au Louvre. Si toutefois il peut aussitôt exposer, c'est uniquement parce qu'un salon sans jury, le Salon des indépendants, vient d'être créé. Dans la carrière d'aucun autre peintre ce Salon n'a joué un rôle aussi décisif que dans celle de Rousseau. Grâce à sa participation aux Indépendants, il entre dans le circuit artistique de son temps. Les critiques mentionnent son nom, le plus souvent pour ironiser[...]
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Écrit par
- Dora VALLIER : écrivain d'art, historienne d'art
Classification
Médias
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