SAUVAGE HENRI (1873-1932)
Après des débuts brillants dans l'Art nouveau, l'architecte Henri Sauvage oriente sa pratique vers une rationalisation de l'habitation collective en concevant des unités d'habitation en gradins qu'il réalisera partiellement. En 1901, il construit la villa Majorelle à Nancy. C'est le meilleur exemple de l'architecture de l'école de Nancy, construit par un architecte parisien qui bientôt abandonnera ce formalisme littéraire pour une architecture plus épurée. En 1912, Sauvage abandonne ses exercices d'Art nouveau pour une recherche méthodique d'habitat rationnel. Il construit un immeuble d'appartements, 26, rue Vavin, à Paris. Redéveloppant l'idée de la cité-jardin, il construit cet immeuble dans lequel l'intimité et la vue dont on jouit de chaque appartement sont assurées par un système de gradins. Sauvage reprendra cette idée, en la systématisant, et dessinera même des villes en gradins, se rapprochant intuitivement de son contemporain italien Sant'Elia. En 1924, bien avant Le Corbusier, Sauvage construit, 26, rue des Amiraux, sur un financement de logement social, une unité d'habitation collective (dotée d'une piscine) dans laquelle les services sont rationnellement regroupés. Après l'expérience charnière, dans l'œuvre de Sauvage, de la rue Vavin, il entreprend une production complexe qui réunit aussi bien les maisons « à gradins » que les recherches technologiques sur les « maisons préfabriquées en série et à éléments standardisés ». Les premières études sur les maisons à gradins datent des années 1907-1908. Sauvage développe son idée de structure d'habitation dans des éléments du vocabulaire Art nouveau (bow-windows et loggias très arrondies), ainsi que dans l'assemblage des volumes et des toitures à pente très prononcée des modèles régionaux. En 1907, eut lieu à Darmstadt la troisième et dernière exposition internationale de la KünstlerKolonie qui révéla l'épuisement des expériences Art nouveau, marqué d'ailleurs par la fondation du Deutscher Werkbund. Lié à la tradition technologique propre à la culture architectonique française, Sauvage reçoit de la ville de Paris, en 1913, la commande d'un projet pour une construction à bon marché sur le terrain de la rue des Amiraux. La réalisation ne débuta que dix ans plus tard. Sauvage expérimenta la méthode d'« usinage » dans la réalisation de deux grands magasins. Entre 1926 et 1929, il s'occupe avec Frantz Jourdain de l'agrandissement de la Samaritaine. Ses compétences en matière d'organisation de chantier, son habileté à concevoir les structures métalliques et le façonnage en usine d'éléments spécifiques pour chaque intervention se révélèrent à l'occasion de ce chantier. À Nantes, en 1931, il entreprend la réalisation des grands magasins Decré dans une totale liberté d'action. Le projet était rendu particulièrement difficile en raison des différences de niveau et de l'étroitesse des rues voisines. Tenant compte de ces contraintes, Sauvage décide d'un rez-de-chaussée en retrait (pour élargir le trottoir) et suspend les façades à la structure portante. Le plancher du rez-de-chaussée en « aile de moulin » s'adapte à la pente des rues. Sauvage adopte avec succès la méthode de l'usinage et cent jours lui suffisent pour construire 8 000 mètres carrés de planchers, y compris les fondations établies sur un sol schisteux. En 1929, il étudie une typologie de petites maisons à construire selon le procédé Monteils. Il met aussi au point un autre système pour la réalisation de ces maisons, un matériau courant : les tuyaux en ciment amiante Éternit (les tuyaux très résistants placés verticalement les uns à côté des autres « pouvaient épouser tous les contours les plus fantaisistes du plan »).[...]
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Écrit par
- Christian BONNEFOI : docteur en histoire de l'art, chargé de recherche à l'École pratique des hautes études
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