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STORCK HENRI (1907-1999)

Né en Belgique en 1907, Henri Storck, en soixante ans de cinéma, a réalisé ou coréalisé soixante-dix films, surtout des courts-métrages. Il fut à ses débuts le « cinégraphiste » officiel de la ville d'Ostende : Images d'Ostende (1929) ; Trains de plaisir (1930) ; Une idylle à la plage (1931). Il a pratiqué à la même époque le film de montage de bandes d'actualités pour réaliser un film antimilitariste longtemps interdit en France, Histoire du soldat inconnu (1932). Si l'on excepte Le Banquet des fraudeurs (1951, scénario et dialogues de Charles Spaak), il a consacré l'ensemble de sa carrière au documentaire. Il déclarait en 1988 : « Dans le cinéma documentaire, le sentiment du réel est si puissant que cette image d'une vraie vie, d'une situation réelle et vécue par les êtres qui subissent ou mènent une action au lieu de la jouer artificiellement, exerce sur le spectateur une sorte de fascination. » Il a abordé, à l'intérieur même du documentaire, des genres très divers. On distingue les films sociaux, dont le très célèbre Misère au Borinage, coréalisé avec Joris Ivens en 1933, puis Les Maisons de la misère (1937) et Le Patron est mort (sur les obsèques en 1938 d'un leader de la classe ouvrière, Emile Vandervelde) ; les films d'avant-garde (les films sur Ostende, les films de montage d'actualités où se retrouve l'influence de Dziga Vertov) ; les films d'exploration (il réalisa le montage de L'Île de Pâques, 1935, de John Ferhnout, son opérateur pour une série de films sur les métiers) ; les films sur l'art (Le Monde de Paul Delvaux, 1944 ; Rubens, 1947-1948 ; La fenêtre ouverte, 1952 ; Félix Labisse, 1962, Permeke, 1984-1985) ; la série des Fêtes de Belgique (1969-1972), qui fait de lui l'un des rares représentants de la catégorie des « ethnographes autochtones » (Le Carnaval d'Ostende, Le Mardi gras à Alost, Le Carnaval de Malmédi). Symphonie paysanne (1942-1944), son chef-d'œuvre, est constitué de cinq courts-métrages (Le Printemps, L'Été, Noces paysannes, L'Automne, L'Hiver). La bande-son a souffert de la conjoncture de la Seconde Guerre mondiale et du style d'époque en matière de lecture du commentaire, mais le film, tourné en trois ans aux jours sombres de l'occupation de la Belgique, s'impose comme une des plus grandes réussites du cinéma paysan. Chronique de la vie d'une exploitation agricole au rythme des saisons, le film constitue un hommage à la condition paysanne, ses joies et ses peines. Aucune allusion n'est faite à l'occupation du pays par l'Allemagne : ce retrait par rapport à l'actualité favorisa le dessein d'Henri Storck de s'élever au niveau de l'intemporel. Le film n'est pas une étude sociologique, ni un hymne au retour à la terre, ni un exercice de nostalgie, c'est une geste collective. À mi-parcours des quatre saisons, Henri Storck a intercalé une cinquième partie (Noces paysannes), comme une échappée sur les rares distractions de gens jusqu'alors montrés au travail, silhouettes dans les champs à la manière des miniatures du Moyen Âge ou, plus probablement, des tableaux de Bruegel. Dans la nuit, quand la fête prend fin, la fanfare repart en titubant, préfigurant un autre style de documentaire dans lequel Henri Storck affirmera sa maîtrise au début des années 1970 avec les films réunis dans la série Fêtes de Belgique, ou l'Effusion collective.

Contemporain de Robert Flaherty et de Dziga Vertov, s'inspirant de la méthode du premier et des innovations du second, compagnon de Joris Ivens le temps d'un film de référence, ethnographe sur son propre terrain, Henri Storck, au confluent de tous les courants, est une figure de première grandeur dans le documentaire.

— Guy GAUTHIER

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Écrit par

  • : écrivain et critique de cinéma, ancien chargé de cours à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot, docteur de troisième cycle, université de Paris-VII-Denis-Diderot

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