HENRI VIII (1491-1547) roi d'Angleterre (1509-1547)
La fidélité à la tradition
Avant 1529, Henri VIII est davantage un continuateur qu'un innovateur. À l'heure des déchirements religieux sur le continent, après que Luther, en 1517, eut levé l'étendard d'une révolte contre Rome, le roi se veut le défenseur de l'orthodoxie. Il n'empêche pas les humanistes de conduire leur quête, permet sans difficulté à Thomas More de publier, en 1516, son Utopie, demeure l'ami de John Colet, doyen de Saint-Paul, mort en 1519 après avoir créé une école de grande valeur et qui est un lecteur critique des Écritures et le pourfendeur des abus du clergé ; il approuve Wolsey de chercher à réprimer certains de ces abus et de créer de bons collèges à Oxford et Ipswich. Mais il gagne en 1521, sur décision de Léon X, le titre de « défenseur de la foi », désormais partie intégrante de la titulature royale anglaise, pour avoir publié une Assertio septem sacramentorum dirigée contre Luther. On brûle des livres, mais aussi des hérétiques accusés de « lollardisme » ; Thomas More lui-même est chargé en 1529 de réfuter les écrits de William Tyndale, disciple de Luther et premier traducteur du Nouveau Testament en anglais (1525). Il s'agit de ne faire porter la réforme que sur des matières de discipline et de rites.
Maintenant le calme religieux dans le royaume, le souverain est d'autant plus libre de poursuivre une politique autoritaire. C'est l'époque de la création de sections locales du Conseil du roi dans les comtés du Nord et sur les « Marches » galloises, du recours systématique à un Conseil privé encore nombreux (de 40 à 50 membres) qu'on essaye vainement de réduire à une vingtaine de personnes en 1526, du développement de la section judiciaire du Conseil dans sa « Chambre étoilée » (Star Chamber), de la réduction au minimum de l'intervention du Parlement qui n'est réuni qu'à cinq reprises et dont on se passe financièrement au prix de quelques exactions fiscales illégales, dont la difficile levée, en 1525, d'une taxe étrangement qualifiée d'« amicale » (amicable grant). Soucieux de ne pas heurter les grands intérêts et conscient de ses propres besoins, Henri VIII encourage l'essor maritime, mais se garde bien de chercher à appliquer avec rigueur les lois contre les enclosures, qui, permettant le développement de l'élevage du mouton à laine, « dépeuplent » certains cantons du royaume en chassant les fermiers et journaliers de terres jusqu'alors vouées à la céréaliculture. Tout au plus une grande enquête mise en œuvre en 1517 contribue à ralentir le mouvement.
À l'extérieur, la politique est résolument empirique. La guerre n'est jamais exclue comme moyen : en 1512, elle prend l'aspect d'une vaine tentative de reconquête de la Guyenne ; en 1514, elle comporte l'acquisition de Tournai aux dépens de Louis XII de France, que son fils rachète en 1518 ; en 1513-1514, c'est sur les confins écossais qu'il faut se battre. La diplomatie est habile : le grand affrontement des Valois et des Habsbourg permet à Henri de se vendre au plus offrant, dans la mesure où ses intérêts propres ne sont pas menacés ; en juin 1520, il demeure insensible aux fastes du camp du Drap d'or et préfère appuyer Charles Quint plutôt que François Ier. Les malheurs du roi de France poussent, en 1525, à une paix entre l'Angleterre et la France, fort généreusement payée par celle-ci, puis, l'année suivante, à un renversement d'alliances. Cependant, il apparaît souvent de bon ton de reprendre à son compte la vieille idée d'une réconciliation de la chrétienté sous la bannière d'une croisade contre les Turcs pour délivrer les Lieux saints !
Symbole de la continuité avec le passé : à partir de 1525, et pour la première fois, le souverain anglais se[...]
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Écrit par
- Roland MARX : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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