HENRI VIII (1491-1547) roi d'Angleterre (1509-1547)
Les innovations
En 1529, les nuages se sont accumulés. Henri n'a qu'une héritière, Marie, née en 1516. Il se persuade d'autant plus aisément que sa dynastie serait en péril en cas de succession par une femme (parfaitement légitime pourtant), qu'il est, depuis 1527, tombé follement amoureux d' Anne Boleyn : un remariage pourrait lui valoir l'héritier jugé nécessaire. Pour divorcer, le roi invoque le tardif scrupule de conscience d'avoir épousé la veuve de son frère Arthur : ce mariage, intervenu en 1501, une année avant la mort du prince, n'a sans doute jamais été consommé, mais le procès de divorce a été marqué par l'appel à de douteux et répugnants témoignages contraires. Sollicitée auprès du pape Clément VII, une décision favorable aurait sans doute pu être obtenue si, après le « sac de Rome » par les troupes de Charles Quint en 1527, celui-ci, devenu le plus puissant souverain de la Chrétienté et le plus influent en Italie, n'avait pas été le neveu de Catherine.
Les tergiversations pontificales et l'échec, à Londres, de la procédure entamée devant le tribunal des légats, Wolsey et Campeggio, entraînent la chute du cardinal Wolsey et donnent le signal des grandes mutations.
La réforme religieuse
Henri VIII fait appel, sur l'avis de son nouveau conseiller, le théologien Thomas Cranmer, au jugement des principales universités d'Europe. Il en retire bien des satisfactions, mais l'intransigeance du pape leur donne une valeur surtout intellectuelle. Un jeu dangereux s'engage de part et d'autre : certains conseillers de Henri, dont Thomas Cromwell, estiment opportun d'associer leurs ambitions et leurs idées à l'affirmation farouche d'un « anglicanisme » voisin du gallicanisme en France ; Cranmer, progressivement gagné au luthéranisme, et promu archevêque de Canterbury en mars 1533, incite à des évolutions doctrinales ; la stratégie d'intimidation du Saint-Siège conduit à des gestes dont l'échec constitue autant d'étapes vers une rupture : en février 1531, Henri est reconnu par le clergé comme chef suprême de l'Église anglaise « autant que la loi du Christ le permet » ; en mai 1532, la « soumission du clergé » comporte l'acceptation d'un contrôle royal sur toutes ses décisions ; le 23 mai 1533, on espère encore placer Rome devant le fait accompli en faisant prononcer par une cour présidée par Cranmer le divorce du roi. Mais la riposte de Rome est l'excommunication du souverain et, en 1534, l'« évêque de Rome », privé de toute autorité, l' Acte de suprématie établit Henri comme « chef » de l'Église en Angleterre, il est complété par l'exigence d'un serment à la personne royale de tout adulte et l'assimilation à un acte de trahison de toute résistance. Épouvantés par l'exécution, en 1535, de l'évêque Fisher et de Thomas More, chancelier du royaume de 1529 à 1532, les voix des protestataires se taisent rapidement. Un régime religieux curieux est ensuite peu à peu défini. On est partagé entre la volonté, qui est celle du roi, de ne procéder qu'à des réformes limitées et de respecter l'essentiel des articles de la foi romaine, et la crainte d'ébranler un système ancestral. Henri VIII se laisse facilement convaincre de supprimer les petits monastères en 1536, puis les autres en 1539 ; il est, ce faisant, à l'écoute des critiques courantes des humanistes contre l'inutilité et les scandales de la vie monastique, mais il est surtout intéressé par la confiscation des biens considérables des monastères ; parmi ceux-ci, les uns sont réservés au domaine royal, d'autres vendus, distribués ou convertis en fondations d'écoles et de collèges, voire de nouveaux diocèses, garantissant la fidélité de leurs heureux bénéficiaires. Mais il paye cette initiative de la plus grave révolte de son règne, le « pèlerinage de la Grâce » d'octobre à novembre 1536, qui rassemble, contre les « mauvais conseillers du roi », 20 000 « pèlerins[...]
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Écrit par
- Roland MARX : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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