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WERGELAND HENRIK (1808-1845)

Vers 1830, la Norvège émerge de la tutelle danoise, en vertu d'un mouvement commun à toute l'Europe : l'éveil des nationalités, ou, si l'on préfère, les aspirations indépendantistes et libertaires propres au romantisme. C'est dans cette lumière qu'il faut considérer le plus grand écrivain romantique norvégien, Henrik Wergeland, qui répond assez bien aux caractères qui définissent, en même temps, le Danois Oehlenschlaeger ou le Suédois Tegnér. Il est, si l'on peut dire, le premier écrivain norvégien de la Norvège (à la différence de L. Holberg qui n'a jamais écrit qu'en danois). Il se trouve que la richesse de la palette de cet enfant de Kristiansant, fils de pasteur et d'abord étudiant de théologie, jointe à la fécondité d'une imagination ailée et à un incontestable talent de visionnaire, coïncidaient fort bien avec l'esprit des temps nouveaux.

Wergeland entendait réveiller la conscience nationale de son peuple. En conséquence, il parcourut inlassablement la Norvège, organisant des réunions, créant des bibliothèques pour les paysans, prodiguant les efforts pour faire revivre la conscience du passé en encourageant, par exemple, la renaissance des dialectes. Ses idées, il les exprime, après un premier recueil de Poèmes (1829), dans une œuvre épique où passe un souffle d'une rare puissance : La Création, l'homme et le Messie (1830). L'histoire de l'humanité y est présentée sous les espèces d'une lutte constante entre le matériel et le spirituel, entre l'oppression et l'inextinguible soif de liberté : la démocratie y est conçue, d'abord comme une lutte contre toute tyrannie, le fond étant occupé par la recherche d'une sorte de religion rationaliste dont les mots d'ordre seraient « vérité, liberté et amour ». À cette « Bible du républicain » succédera une production profuse et d'inégale valeur où tous les sujets seront abordés, toujours dans les mêmes perspectives : amours violentes, lyrisme de la grandiose nature norvégienne — motif qui restera désormais un thème obligé des poètes norvégiens —, inspiration sociale tendant à célébrer les vertus paysannes : Bjørnson, entre autres, s'en souviendra. Le meilleur est peut-être représenté par les poèmes d'amour délicats et tendres de Poésies (1839).

Puis, la Norvège s'acheminant vers son indépendance après la célèbre Constitution d'Eidsvoll (1814), Wergeland exalte l'histoire de son pays dans Histoire de la Constitution de la Norvège (1841-1843) tout en prêchant la tolérance et la justice. On notera ainsi qu'en 1842, dans Le Juif, il avait pris parti pour que l'on admît les juifs en Norvège — il récidivera dans La Juive en 1844. Atteint par la tuberculose, ce lutteur impénitent entrevoit la fin de ses combats. Dans un recueil d'esquisses en prose, Noisettes (1845), il rassemble, sous forme de causeries tantôt graves, tantôt ironiques, volontiers autobiographiques et parfois polémiques, les impressions d'une vie dictée de bout en bout par ses idéaux. On peut dire de lui qu'il aura donné ses lettres de noblesse à la littérature norvégienne.

— Régis BOYER

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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    Le premier est Henrik Wergeland (1808-1845), chez qui luttes politiques et activités littéraires sont inséparables. Ce poète, dramaturge, historien et essayiste fougueux, trouva le moyen d'être à la fois un rêveur épique (Digte, 1829 et 1834, Poèmes) et un visionnaire (dans son chef-d'œuvre...