BATAILLE HENRY (1872-1922)
Poète et dramaturge, né à Nîmes, fils de Léopold Bataille, un austère magistrat du Second Empire, Henry Bataille vient faire ses études à Paris. Il croit d'abord se sentir une vocation de peintre et fréquente l'académie Jullian. Mais, féru de théâtre, il écrit un drame fortement inspiré par le romantisme dont Sully Prudhomme a fait l'éloge. Cependant, après l'échec de la première pièce qu'il a fait jouer, une féerie symboliste, La Belle au bois dormant (1894), Bataille se met à la poésie et publie en 1895 un recueil de vers, La Chambre blanche, qui obtient un certain succès. Pourtant, il revient bientôt au théâtre et ses pièces sont jouées au théâtre de l'Œuvre à partir de 1897, La Lépreuse, puis Ton Sang. Bataille a trouvé la formule qui lui assurera une réussite continue dans les premières années du xxe siècle, le réalisme sentimental : il peint des drames passionnels dont les péripéties viennent ébranler les contraintes sociales. Les premières pièces témoignent ainsi d'une force et d'une qualité de l'observation, d'une rigueur aussi qui semblent prometteuses. Malheureusement, Bataille verse rapidement dans un pathétique et un lyrisme grandiloquents qui limitent son inspiration. Maman Colibri (1904) met en scène l'évasion pitoyable d'une mère avec l'ami de son fils. Dans La Marche nuptiale (1905), l'héroïne abandonne aussi sa famille pour suivre son professeur de piano. Ces pièces sont alors considérées comme des chefs-d'œuvre et certains critiques n'hésitent pas à parler d'un nouveau Racine. Toute la bourgeoisie parisienne se presse à ces représentations qui inaugurent le théâtre de boulevard. Toujours fondé sur des faits divers parfois scabreux, ce théâtre évoque sans doute avec fidélité l'état d'esprit de la société de l'immédiat avant-guerre : sensiblerie, scandale, mollesse et morbidité. De plus, la psychologie conventionnelle de Bataille, son lyrisme calculé, son esthétisme sentimental se font complices d'un style qui n'évite pas la vulgarité. Le Scandale (1909), La Vierge folle (1910), Le Phalène (1913) ont encore recours aux mêmes effets. Pendant la guerre, son idéal pacifiste rapproche Henry Bataille de Barbusse, comme il l'éloigne aussi de la comédie sentimentale. Il ne retrouvera pas le même public après la victoire. Il tente désormais de revenir à un théâtre moins facile, d'affirmer certaines valeurs morales totalement absentes de ses pièces précédentes. Les Sœurs d'amour (1919), La Chair humaine (1922) sont plus dépouillées et plus vertueuses, mais elles ont aussi perdu beaucoup de leur force dramatique : est-ce d'avoir renoncé à tirer des larmes au spectateur ? Les poèmes de Bataille conservent un certain charme assez désuet : outre La Chambre blanche, on retiendra Le Beau Voyage (1904) qui évoque le monde cosmopolite des bars et des paquebots, thème repris par Valery Larbaud un peu plus tard. La Divine Tragédie(1917) réunit des poèmes sur le drame réel de la guerre. La morbidité et la recherche du style sont cette fois absents de cette poésie mélancolique et quotidienne qui peut émouvoir encore.
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Écrit par
- Antoine COMPAGNON : docteur ès lettres, professeur à l'université Columbia, États-Unis
Classification
Autres références
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BOULEVARD THÉÂTRE DE
- Écrit par Daniel ZERKI
- 5 988 mots
...bourgeois, de plus en plus teinté de psychologisme, ne cesse de gagner du terrain. Ainsi, en 1907, on verra le Samson de Bernstein à la Renaissance et, en 1908, dans le même théâtre, La Femme nue deBataille, qui dans des manières différentes traitent tous deux de sujets psychologiques et sentimentaux.