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BOLINGBROKE HENRY SAINT JOHN (1678-1751)

Né dans une riche famille de la gentry, apparenté par sa mère aux comtes de Warwick, Henry St John Bolingbroke a été élevé à Eton et probablement à Oxford et a complété son éducation par le traditionnel « grand tour » sur le Continent en 1698-1699. Il accède rapidement aux responsabilités publiques : dès 1701 il entre aux Communes. Il y devient l'un des principaux orateurs du parti tory et, pendant quelque onze ans, lie son destin à celui de Harley, futur comte d'Oxford. Il occupe diverses fonctions ministérielles, dont le secrétariat à la Guerre, et, appelé à la pairie en 1712 avec le titre de vicomte Bolingbroke, il peut se poser en rival de son ancien ami et protecteur : Harley, comte d'Oxford. Celui-ci est évincé en juillet 1714 et Bolingbroke lui succède à la tête des affaires. Entre-temps, il a joué un rôle majeur dans l'adoption d'une politique de paix avec la France et est l'un des artisans du traité d'Utrecht, se résignant à renoncer aux anciens buts de guerre et à abandonner partiellement les alliés de l'Angleterre. La reine Anne étant morte le 1er août 1714, il n'a pas disposé de suffisamment de temps pour mener à bien son grand dessein : modifier l'ordre de succession établi en 1701 et ramener sur le trône un Stuart au lieu de George de Hanovre, favori des whigs. Rapidement éliminé du pouvoir, incapable de mener à bien son plan jacobite, il doit s'enfuir en France où, pendant un an, il seconde le prétendant Stuart. Il se brouille bientôt avec l'entourage du prince et mène une vie de riche exilé. En 1723, il est autorisé à rentrer en Angleterre, mais demeure exclu de la Chambre des Lords. Sa rigide opposition au gouvernement de Walpole ne lui permet pas de revenir au premier plan et il retrouve volontairement le chemin de l'exil de 1735 à 1742. Après quoi, il se consacre principalement à la rédaction de mémoires et d'œuvres de réflexion politique. La plus connue est l'Idée d'un roi patriote, d'abord imprimée sans son autorisation par Pope en 1743 et rééditée l'année suivante avec des corrections : l'auteur y insiste sur la nécessité d'un pouvoir royal fort, indépendant des luttes partisanes, mais toujours justifié par l'intime harmonie entre son action et les vœux de son peuple, le modèle de la réussite en ce domaine ayant été la reine Élisabeth. Bolingbroke, persuadé de l'excellence des principes des grandes familles aristocratiques, n'a que mépris pour les financiers et autres bourgeois. Il laisse le souvenir d'un brillant homme d'État qui est passé à côté de son destin. Il a été à l'opposé de Robert Walpole, dont les talents oratoires ne se comparaient pas aux siens mais qui sut bien incarner la société et les intérêts de son temps : l'antagonisme permanent des deux hommes, qui avaient été condisciples à Eton, a marqué leur époque. Bolingbroke s'essaya par ailleurs à des réflexions morales et religieuses, dont Voltaire notera le mérite et qui fournissent des armes aux déistes de la deuxième moitié du siècle.

— Roland MARX

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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