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ADAMS HENRY BROOKS (1838-1918)

Son œuvre

Son œuvre est aussi riche que variée, mais on y retrouve toujours un même schéma qui est, présentée sous telle ou telle forme, l'histoire de la faillite d'un grand élan idéaliste. Quelles que soient les qualités de ses autres ouvrages, et en particulier de l'Histoire des États-Unis (remarquable tant sur le plan de la documentation que sur celui de l'interprétation psychologique), c'est surtout par Mont-Saint-Michel et Chartres et l'Éducation qu'Adams intéresse. Le sous-titre Clefs du Moyen Âge français, ajouté par l'éditeur de la traduction française du Mont-Saint-Michel, est erroné. Pour décrire les monuments, Adams s'est surtout contenté de compiler des monographies spécialisées, en se trompant à l'occasion de pages. Loin d'être un livre d'érudition ou un guide, Mont-Saint-Michel et Chartres apparaît comme un ouvrage essentiellement personnel, très fortement marqué, en particulier, par l'antisémitisme de l'auteur.

Principal personnage, la Vierge est modelée à la fois sur Marian Adams et sur Mrs. Cameron. L'ensemble, qui comprend de belles pages sur les vitraux, est une excellente reconstruction imaginative du xiiie siècle, où le monde chrétien, à l'époque des bâtisseurs de cathédrales, a connu sa plus parfaite unité. La société, pour Adams, n'a depuis cessé de décliner.

S'inspirant de l'ouvrage de son frère Brooks Adams, The Law of Civilisation and Decay (1895), et cherchant à transposer dans le domaine de l'histoire des théories thermodynamiques aujourd'hui dépassées de lord Kelvin sur la dégradation de l'énergie, il va dans L'Éducation de Henry Adams peindre la « multiplicité » ou encore le « chaos » du monde moderne. L'un des intérêts de ce livre est l'arrière-plan historique. Si les années couvertes par le récit vont de 1838 à 1904, l'auteur, de par sa position familiale privilégiée, a toujours, ainsi qu'il le dit, cent cinquante années d'histoire derrière lui, cependant que, grâce à la lucidité de sa vision, il prévoit de nombreux événements du xxe siècle. Très proche, par son art du portrait, du Flaubert de L'Éducation sentimentale, il l'est aussi par son rejet du moi. Évitant systématiquement tout emploi de la première personne, il présente son propre personnage comme un simple « mannequin » sur lequel se drape l'« éducation », c'est-à-dire les expériences qu'offre la vie. Parmi ces expériences, celles qui ont un caractère trop privé disparaissent. Aucune mention n'est faite de Marian Adams ou de Mrs. Cameron. Malgré ces silences, peu de livres se révèlent aussi personnels que celui-ci où se découvre le profond désarroi d'un homme devant le monde moderne. Ballotté par l'éducation, le mannequin tient déjà du héros de Hemingway « à qui les choses arrivent ». Sans doute faut-il voir là l'une des raisons de la vogue qu'à connue l'Éducation après la Première Guerre mondiale. Mais, autant qu'elle annonce la littérature moderne, l'œuvre s'inscrit dans la ligne de Faust, de Moby Dick, décrivant une même poursuite de l'absolu. Le « mannequin » Adams devient Adam, l'homme éternel aux prises avec la condition humaine. Malgré son pessimisme foncier, l'auteur est hanté par le besoin d'espérer. Aussi bien pour l'intérêt de l'arrière-plan et du récit «  autobiographique » que pour la qualité du symbolisme (Adams a le sens des images et son recours aux théories de lord Kelvin possède une valeur essentiellement poétique), l'Éducation est l'un des plus grands « classiques » de la littérature américaine.

— Robert MANE

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, professeur de littérature africaine anglophone à l'université de Paris-XII

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