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LODGE HENRY CABOT (1902-1985)

S'il n'y a pas d'aristocratie américaine, il y a des aristocrates aux États-Unis. Henry Cabot Lodge fut l'un d'eux puisqu'il était né dans cette famille Cabot dont le dicton populaire dit qu'elle ne parle qu'aux Lowell qui ne parlent eux-mêmes qu'à Dieu. Parmi ses ancêtres figurent deux ministres, plusieurs sénateurs du Massachusetts et un gouverneur ; son grand-père, le sénateur des États-Unis républicain Henry Cabot Lodge (qui influença beaucoup son petit-fils, orphelin de père à sept ans), s'opposa avec succès à l'entrée des États-Unis dans la Société des nations après la Première Guerre mondiale.

Grand et beau, causeur aussi brillant qu'ironique, intelligent et diplômé de Harvard, Henry Cabot Lodge est un héritier digne de sa lignée. D'abord journaliste au New York Herald Tribune (pour lequel il interviewe Mussolini) puis élu local, il entre au Sénat comme républicain en 1936. Ce Bostonien est trop policé pour ses collègues qui ne l'aiment guère, ce qui ne l'empêche pas d'être réélu en 1942.

Mais cet isolationniste par tradition familiale est ébranlé par Pearl Harbor au point de démissionner du Sénat pour s'engager dans l'armée. Il fait une très belle guerre en Afrique du Nord et en Europe, et revient à la vie civile et au Sénat (en 1946) avec de nombreuses décorations (dont la Légion d'honneur et la croix de guerre avec palme). Très engagé dans la campagne électorale du général Eisenhower, il néglige trop sa propre réélection et est battu en 1952, de justesse, par John Kennedy. Mais le président Eisenhower sait ne pas oublier les dettes du candidat Eisenhower : il le nomme ambassadeur des États-Unis à l'O.N.U. et membre de plein droit du gouvernement. Henry Cabot Lodge reste à ce poste sept ans, un record. Il acquiert la réputation d'un pourfendeur implacable et caustique des Soviétiques. En 1960, Richard Nixon le choisit comme colistier pour l'élection présidentielle. Ils sont battus par John Kennedy, à nouveau d'extrême justesse : moins de 0,2 p. 100 des suffrages exprimés.

Sans rancune à l'égard de son compatriote du Massachusetts, le président démocrate le nomme ambassadeur des États-Unis à Saigon en juin 1963. La manœuvre est habile puisqu'elle évite toute critique républicaine sur la conduite de la guerre jusqu'en 1967.

Entre 1963 et 1970, Henry Cabot Lodge est alors mêlé à la tragédie vietnamienne, d'abord comme ambassadeur (sous la présidence de Kennedy et de Johnson) puis comme négociateur pour mettre fin à la guerre (sous la présidence de Nixon).

C'est lors de son premier séjour à Saigon qu'a lieu le coup d'État du 1er novembre 1963 contre le président Ngô Dinh Diem, qui sera assassiné par les putschistes avec son frère Ngô Dinh Nhu. Les Documents du Pentagone affirment que le gouvernement américain a « autorisé, soutenu et encouragé » le putsch. D'après Henry Cabot Lodge, il n'en est rien. En effet, si, le 28 août 1963, le département d'État le prévient que Ngô Dinh Nhu « doit partir » et qu'un « coup d'État sera nécessaire », ce télégramme sera annulé le 30 août. Il écrit : « Notre politique, d'après les instructions du président Kennedy, était de ne pas empêcher le coup d'État. »

Chef de la délégation américaine aux négociations de Paris à partir de 1969, il quitte ce poste au bout de dix mois alors que les pourparlers semblent inexorablement bloqués. Il prend alors une semi-retraite dans le Massachusetts, mais, à la demande du président Nixon, il se rend occasionnellement au Vatican entre 1970 et 1977 comme envoyé spécial du président (les États-Unis n'ont pas eu d'ambassadeur auprès du Saint-Siège avant 1984). Il est l'auteur de deux livres : The Storm has Many Eyes (1973)[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales de la Fondation nationale des sciences politiques

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