CAVENDISH HENRY (1731-1810)
Une étape décisive de la chimie
Dix-huit mémoires, publiés dans les Philosophical Transactions, dont dix consacrés à la chimie, telle est l'œuvre avouée par Cavendish. Inspirés par les expériences de son père Charles, ses premiers travaux eurent trait à la chaleur ; les apologistes de ses papiers inédits prétendent qu'il fut tout près d'énoncer la conservation de l'énergie. Fidèle aux modèles newtoniens de l'âge mercantiliste, il réduit la chaleur à une modalité du mouvement, et ignore l'empirisme des techniciens du nouvel âge manufacturier qui domestiquent l'énergie thermique.
Sa première contribution importante, Three Papers Containing Experiments on Factitious Air, paraît en 1766 (in Philosophical Transactions). La production de l'hydrogène, qu'il nomme « air inflammable », y est minutieusement étudiée. Il n'est pas le premier à l'avoir obtenu (cf. Maud, in Philosophical Transactions, 1736), mais il montre que le même gaz, onze fois plus léger que l'air, fuse de divers métaux (fer, zinc, étain) attaqués par des solutions plus ou moins diluées d'huile de vitriol. En raison de son inflammabilité, il identifie cet « air » au phlogistique. Pour lui, la production d'hydrogène obéit au schéma suivant :
conformément à sa définition des esprits « factices », c'est-à-dire « toute sorte de gaz que contiennent d'autres corps, dans un état non élastique, et qui est produite de là par l'art ». Si, en accord avec le consensus des chimistes contemporains, il enferme le phlogistique dans le métal, c'est que ce dernier est combustible, au contraire de l'acide, et que la propriété de l'inflammabilité l'emporte en évidence primordiale sur les autres.Cependant, c'est à partir de ces prémisses erronées que, par d'habiles manipulations des airs factices, il déterminera les compositions élémentaires de l'eau et de l'air.
Dans son mémoire fondamental de 1784, Experiments on Air (in Philosophical Transactions) ce qu'il a en vue c'est « la cause de la diminution que l'air commun [...] éprouve dans les différentes voies par lesquelles il est phlogistiqué [...] et ce que devient l'air alors disparu ou condensé », ou, en d'autres termes, ce qu'il advient lors de la combustion de l'hydrogène. L'origine de ses recherches, il la trouve dans la critique d'une expérience due à Warltire que publia Priestley. S'étant mis en tête de peser la chaleur, Warltire croyait avoir observé qu'un mélange d'air et d'hydrogène, dans un globe de cuivre, diminue de poids après explosion électriquement amorcée et refroidissement. Répétée dans du verre, l'expérience montrait l'apparition d'une buée. C'est ce phénomène que Cavendish étudie soigneusement, montrant que cette buée ne provient pas de l'humidité de l'air, mais de la combustion de l'air inflammable avec une proportion déterminée de l'air commun. Il obtient encore de l'eau par combustion de l'air inflammable avec l'« air déphlogistiqué », c'est-à-dire l'oxygène que Priestley venait de séparer. L'eau est la combinaison dans la proportion de 2 à 1 de ces deux gaz, c'est ce qu'établissent à la même époque Watt et Cavendish, mais celui-ci avait tardé, par scrupule, à divulguer ses conclusions (le soin qu'il mettait dans ses observations l'avait fait buter sur un phénomène parasite : l'acidification, dans les eudiomètres, de l'eau de synthèse par production électrique d'oxydes d'azote). Reste que l'on touche avec le mémoire de 1784 à une rupture fondamentale : l'eau est positivement destituée de son antique privilège d'élémentarité ; sous l'homogénéité physique s'affirme l'hétérogénéité chimique.[...]
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Écrit par
- Jacques GUILLERME : chargé de recherche au C.N.R.S.
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