COWELL HENRY DIXON (1897-1965)
De nouvelles ressources musicales
Henry Cowell se fait l'ardent défenseur de la jeune musique américaine en déployant une intense activité de pédagogue et d'organisateur. En 1925, il fonde la New Music Society of California ; en 1927, il crée la revue New Music, dévolue exclusivement à l'édition de partitions contemporaines ; il fonde également, en 1934, une firme de disques, New Music Quarterly Recordings. Il préside de 1929 à 1933 la Pan American Association of Composers, qui se consacre à la promotion des musiques expérimentales. En 1930, il publie un ouvrage fondamental sur les musiques nouvelles, New Musical Resources, qui résume ses recherches en traitant de sujets aussi divers que l'ultrachromatisme, la polyrythmie, les clusters... Par ses publications comme par ses conférences, Cowell va faire connaître aux États-Unis Schönberg et Webern, ainsi que toute une génération de jeunes musiciens, parmi lesquels Milton Babbitt, John J. Becker, Carlos Chávez, Ruth Crawford, Conlon Nancarrow, Wallingford Riegger, Carl Ruggles. Son activité de pédagogue n'est pas moins importante : parmi ses étudiants figureront John Cage, Lou Harrison et George Gershwin.
Cowell s'affirme aussi, bien avant John Cage, comme un défricheur des musiques aléatoires : s'intéressant dans les années 1930 à l'improvisation sans contrainte, il conçoit des formes indéterminées. Ainsi, dans son Troisième Quatuor à cordes « Mosaic » (1935), les interprètes peuvent assembler dans l'ordre qui leur sied différents segments musicaux. Il compose également des pièces « élastiques », c'est-à-dire dont la longueur peut être adaptée par les interprètes.
Cowell a dès l'enfance manifesté un grand intérêt pour les musiques traditionnelles et pour les musiques du monde, et plus particulièrement pour les musiques orientales, dont il va approfondir la connaissance à la fin des années 1920. Un des premiers, il donne des cours sur les musiques du monde, intitulés Music of the World's Peoples. Une bourse de la fondation Guggenheim lui permet d'aller étudier en 1931 la musicologie comparée auprès de Erich Moritz von Hornbostel aux Phonogramm-Archiv de Berlin. Il sera un des premiers compositeurs occidentaux à intégrer dans son instrumentarium des instruments de musique persans, indiens ou japonais. Homage to Iran (1957) confronte ainsi des instruments occidentaux – le violon et le piano – au zarb, tambour de peau sur caisse de résonance en terre cuite ou métal et qui requiert une technique très spéciale : selon le point d'impact des doigts sur la peau, on peut en effet obtenir un registre très étendu d'attaques, d'intensités, de timbres, d'épaisseurs sonores, voire de hauteurs. En échappant à l'exotisme facile, cette pièce démontre l'influence féconde que la musique orientale traditionnelle peut exercer sur la pensée musicale occidentale.
Les problèmes rythmiques ont toujours fasciné Cowell – sa connaissance des musiques extra-européennes n'y était pas étrangère –, et ses expériences sur le rythme ont ouvert, bien avant Olivier Messiaen, un chapitre capital des recherches sur le temps musical. Pour parvenir à la coordination rythmique extrêmement complexe qu'il exige parfois de l'orchestre, il va mettre au point en 1931, avec l'ingénieur russe Leon Theremin, le rhythmicon, un instrument électrique qui permet d'innombrables combinaisons rythmiques ; il lui consacrera un concerto avec orchestre, Rhythmicana (1931).
Henry Cowell meurt à Shady (New York), le 10 décembre 1965. Doté d'une protéiforme puissance créatrice (il composa dans tous les styles, excepté dans celui de la seconde école de Vienne), il laisse un catalogue pléthorique, riche de près d'un millier de partitions, touchant à tous les genres, qu'il traite souvent plus en explorateur de sonorités qu'en[...]
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
Classification
Autres références
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CLUSTER, musique
- Écrit par Alain FÉRON
- 601 mots
C'est en 1912 que le compositeur américain Henry Cowell (1897-1965) inaugure une nouvelle technique pianistique – le jeu simultané de la totalité des notes adjacentes comprises entre deux limites – qui conduit à la création de « grappes » de sons de « densité » variable selon que celles-ci sont obtenues...
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ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La musique
- Écrit par Juliette GARRIGUES et André GAUTHIER
- 3 950 mots
- 6 médias
Dans un registre très différent, Henry Cowell a également profondément marqué l'évolution de la musique américaine. Le matériau sonore qu'il proposa était tout à fait inédit : placé à l'extrême avant-garde, il inventa les tone clusters (« grappes de sons »), qu'il utilise...