JAMES HENRY (1843-1916)
L'ambiguïté
À la fin du Portrait de femme, le sort d'Isabel reste incertain, c'est au lecteur de conclure. Cette participation sans cesse sollicitée est un des éléments essentiels d'un suspens admirablement ménagé qui maintient le lecteur toujours haletant, hésitant entre plusieurs interprétations. On retrouve cette présence du mystère dans maints récits qui touchent au fantastique, au surnaturel, à l'inexplicable. Ainsi Le Tour d'écrou (The Turn of the Screw, 1898), où l'on a longtemps vu une histoire de fantômes, est le récit hallucinant d'une gouvernante chargée d'élever deux enfants pervertis. Le lecteur s'interroge tout au long de sa lecture : ne serait-ce pas la gouvernante qui fabule et projette ses fantasmes sur des enfants innocents ? Les fantômes ne seraient alors qu'un prétexte pour une exploration hardie de l'inconscient. Cette ambiguïté essentielle se retrouve dans L'Image du tapis (The Figure in the Carpet, 1896), où le secret de l'écrivain demeure caché ; est-il de nature artistique ou sexuelle ? Cette obsession du flou, en même temps que du caché, répond à une conception d'un moi insaisissable, divers, dont on ne perçoit que les phases ou les facettes. Toute solution unique, toute définition close visant à enfermer le récit ou la personne sont refusées comme sacrifiant des solutions ou des aspects possibles et simplifiant la vérité à l'excès : « On ne sait jamais le dernier mot quand il s'agit du cœur humain. » Le possible a fasciné James autant qu'il a séduit Musil : c'est pourquoi, sans doute, les personnages masculins, et surtout les nombreux artistes décrits dans l'œuvre, répugnent à choisir, comme à se dévoiler.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Diane de MARGERIE : licenciée ès lettres, écrivain, traductrice
Classification
Médias
Autres références
-
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature
- Écrit par Marc CHÉNETIER , Rachel ERTEL , Yves-Charles GRANDJEAT , Jean-Pierre MARTIN , Pierre-Yves PÉTILLON , Bernard POLI , Claudine RAYNAUD et Jacques ROUBAUD
- 40 118 mots
- 25 médias
L'Américain est-il alors un nouvel Adam capable de réinventer l'homme ? H. James (1843-1916) intitule un de ses romans L'Américain (The American, 1887) et baptise son héros Christopher Newman (Christophe, comme Christophe Colomb, et Newman, l'homme nouveau) ; ou bien ce héros n'est-il qu'un... -
FORSTER EDWARD MORGAN (1879-1970)
- Écrit par Diane de MARGERIE
- 1 973 mots
Le thème du voyeur participant à l'amour par procuration rapproche Forster de Henry James et de ses récits où l'on voit des célibataires en marge dialoguer avec d'indulgentes confidentes. Livre étrange et séduisant, le Journey n'est pas exempt de maladresses qui ajoutent à son charme.... -
GOTHIQUE LITTÉRATURE & CINÉMA
- Écrit par Gilles MENEGALDO
- 6 313 mots
- 5 médias
...(1898), version fin de siècle de Jane Eyre, a pour cadre un grand manoir, proche d’un étang, avec une tour médiévale où apparaît un spectre. Mais le récit très élaboré d’Henry James rejette les clichés gothiques pour mettre l’accent sur l’intériorité psychique de la jeune gouvernante qui est aussi... -
POINT DE VUE, littérature
- Écrit par Jean-Yves POUILLOUX
- 403 mots
- 1 média
L'usage du terme et de la notion de point de vue remonte probablement à l'œuvre de Henry James et aux préfaces qu'il écrivit pour un certain nombre de romans dans lesquels il fait un usage systématique et personnel d'un procédé littéraire déjà connu : raconter une histoire entière par le moyen...
- Afficher les 8 références