JAMES HENRY (1843-1916)
Plongées freudiennes
Si les personnages masculins se retranchent derrière le regard, préférant voir que d'être vus, les femmes au contraire dominent, détruisent, fomentent et provoquent. Les unes apparaissent comme des vampires qui se nourrissent d'autrui ; les autres font preuve d'un cannibalisme plus subtil et règnent par leur mort comme la Milly Theale des Ailes de la colombe ou Maud-Evelyn. D'une façon générale, la figure masculine est ambiguë, faible, portée au renoncement ou à la lâcheté, à la dissimulation et à l'imposture, tandis que la figure féminine est possessive ou, au contraire, livrée au sacrifice et au dévouement. Les enfants sont admirablement décrits, et la psychologie moderne trouve dans l'œuvre de James l'intuition de bien des découvertes freudiennes : personne n'a mieux saisi la force de la sexualité infantile, l'organisation défensive de l'enfant en face des adultes, ses jeux symboliques, sa curiosité toujours prompte à saisir ce qu'on voudrait lui cacher ; ni la séduction que l'enfant exerce sur l'adulte par son alliage d'innocence et de savoir, ni les dissociations naturelles à l'enfant par où il rejoint l'amoralité de l'artiste. Quoique James observe une réserve victorienne, il ne cesse de frôler les vérités les plus osées. Les allusions voilées aux domaines du sexe, dont certaines paraissent concerner l'homosexualité, contribuent à l'atmosphère close des romans où les dialogues demeurent souvent en suspens, où les complots se trament dans l'ombre et où les aveux ne sauraient se faire. Le mal est ici continuellement suggéré, inquiétant et obscur, jamais défini, tapi dans l'ombre, comme dans certains récits de Joseph Conrad.
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Écrit par
- Diane de MARGERIE : licenciée ès lettres, écrivain, traductrice
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