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MOORE HENRY (1898-1986)

Moore dans son atelier - crédits : Chris Ware/ Hulton Archive/ Getty Images

Moore dans son atelier

Le prestige d'Henry Moore a, depuis longtemps, débordé les frontières de son Angleterre natale. Révéré dans son pays à l'égal d'une institution, ce sculpteur a créé une œuvre considérable dont la puissance et la diversité forcent le respect, et dont témoignent les expositions triomphales de 1972 à Florence, 1977 à Paris, 1978 et 1983 à Londres, pour ses anniversaires, 1979 à Bonn et 1982 à Séoul. Ses recherches se sont d'emblée inscrites dans le courant des expériences les plus originales de l'art contemporain. Portant alternativement sur les domaines de l'abstrait et du figuratif, elles visent toutes à exprimer le dynamisme latent des structures vivantes, les soubresauts d'une nature en perpétuelle genèse, la fraternité de l'homme avec toutes les formes de vie. Cette hauteur de vues, allant de pair avec d'exceptionnelles qualités plastiques, justifie le rayonnement d'une œuvre qui a profondément marqué toute une génération d'artistes.

La beauté est morte

N'en déplaise aux âmes compatissantes, l'enfance d'Henry Moore à Castleford, petite cité industrielle du Yorkshire où il naquit en 1898, ne fut pas malheureuse. Les sacrifices consentis pour que ce fils de mineur accédât en 1916 à la carrière d'instituteur n'entamèrent pas l'optimisme du climat familial. Après la Première Guerre mondiale au cours de laquelle il fut gazé, Moore obtint de se consacrer à l'étude de la sculpture, d'abord à la School of Art de Leeds, puis au Royal College of Art de Londres (1919-1924). En 1928, il organise sa première exposition particulière à la Warren Gallery. La seconde, aux Leicester Galleries, en 1931, déchaîne un beau scandale qui lui coûte son poste de professeur de sculpture au Royal College. La School of Art de Chelsea l'accueille aussitôt ; il y enseignera jusqu'en 1939. Les commandes ne tardent pas à affluer, dont plusieurs officielles. Mais il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale et l'attribution du grand prix de la Biennale de Venise (1948) pour que l'œuvre de Moore fasse entendre sa voix avec toute l'autorité souhaitable dans le tumulte des arts contemporains.

Car c'est bien par l'actualité de sa démarche, par l'urgence des problèmes qu'elle s'efforce de résoudre, que cette œuvre sereinement audacieuse séduit. Moore appartient à cette première génération d'artistes modernes pour qui l'accession des arts « primitifs » au rang de réalités esthétiques, les recherches formelles d'artistes tels que Alexandre Archipenko, Constantin Brancusi, Jacob Epstein ou Henri Gaudier-Brzeska, ont d'emblée pris valeur, sinon de dogmes, du moins de jalons engageant de manière irréversible l'avenir de la sculpture. L'homme n'est plus le chiffre de l'univers. Il habite un monde dont les limites sans cesse lui échappent. Pourquoi continuer à se référer aux canons de la beauté classique, même revus et corrigés par la Renaissance, quand l'anthropocentrisme dont ils sont l'expression déguisée a perdu toute signification ?

Pour Moore, la figure humaine est le thème par excellence, dans ses dessins et ses gravures aussi bien que dans sa sculpture. Mais ce qu'il cherche à saisir à travers elle, c'est la manifestation d'une énergie qui la dépasse, c'est tout le jeu des forces et des tensions par lesquelles l'univers s'élabore en son infinie diversité, c'est la profonde connivence de l'homme avec les choses. Les plus humbles parmi les objets naturels, galets roulés par les vagues, racines, os blanchis au soleil, suggèrent cette vitalité diffuse que le sculpteur va tenter d'enfermer dans des formes sœurs, d'une densité et d'une perfection comparables.

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