HÉPATITE C
Les défis de l’élimination du VHC
La guérison virologique induit un bénéfice collectif et individuel avec, au pire, une stabilisation de la maladie et, au mieux, la réversion des manifestations clinico-biologiques. Cela explique la politique d’élimination des hépatites proposée par l’OMS dès 2017. Des politiques nationales d’élimination du VHC sont mises en place dans de nombreux pays et environ dix pays industrialisés, dont la France, seront sans doute au rendez-vous de l’OMS en 2030.
L’espoir réaliste d’élimination (plus que d’éradication en l’absence de vaccin) du VHC suppose des politiques actives de dépistage et d’accès aux traitements. Au niveau mondial, probablement moins de 10 % de la population infectée a été dépistée, et il existe une relation inverse entre la prévalence et l’efficacité du dépistage. En France, on estime que 65 % de la population infectée a été dépistée, sans doute en partie du fait du traumatisme du scandale du sang contaminé dans les années 1980. Toujours en France, le rapport d’experts de 2015 suggérait de dépister tous les hommes de plus de 18 ans et toutes les femmes enceintes, négligeant l’important contingent de femmes septuagénaires souvent infectées lors des transfusions de la délivrance ou de chirurgies gynécologiques avant 1990 ; la proposition d’un dépistage universel n’a pas été retenue par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2019.
Le remboursement des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) devrait améliorer le dépistage des populations précaires, usagers de drogues de bas seuil (à suivi de substitution à la demande), prisonniers ou migrants, souvent éloignées des systèmes de soins. Il conviendra alors de faciliter l’accès au traitement et d’en lever les freins, dont les prises en charges sociales – ici encore pour les populations les plus marginales (usagers de drogues, prisonniers, populations psychiatriques) et sans droits (migrants), qui représentent la majorité des nouvelles contaminations. La délocalisation du dépistage et des soins des hôpitaux de proximité aux structures de prise en charge en addictologie, prisons, hôpitaux psychiatriques ou structures de soins aux migrants devrait permettre l’optimisation de la cascade de soins. La France devrait être au rendez-vous de l’élimination pour 2025 du fait de sa politique initiale de priorisation des traitements oraux en 2014, puis d’ouverture progressive avec un traitement « universel » à partir de mars 2017 et, enfin, une prescription universelle à partir de mai 2019. Cela ne sera pas le cas des États-Unis où l’absence de politique de réduction des risques chez les usagers de drogues et l’épidémie d’usage d’opioïdes empêchera l’espoir d’une élimination de l’hépatite C décrétée par l’OMS.
Moins de 5 % de la population mondiale infectée a été traitée et guérie, du fait de l’insuffisance de dépistage, d’accès aux soins et du prix des médicaments. Sur 5 millions de sujets traités dans le monde, probablement 3 millions l’ont été avec des traitements génériques à bas prix, non remboursés en France. La mise à disposition d’un traitement universel et la simplification des stratégies thérapeutiques doivent permettre d’espérer l’efficacité des politiques d’élimination sous réserve :
– d’améliorer les politiques de dépistage par les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), voire de pratiquer des tests hors laboratoire (points of care tests) ;
– d’ouvrir l’accès à la prescription à tous les médecins, ce qui a été fait en France en mai 2019 ;
– de délocaliser la prise en charge dans les différentes structures de soins (de santé sexuelle, des communautés à risque, dans les prisons, les centres d’addictologie, les maternités, les centres de soins aux migrants, les services de psychiatrie), le diagnostic (identification des[...]
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Écrit par
- Stanislas POL : professeur des Universités, praticien hospitalier, département d'hépatologie et d'addictologie, hôpital Cochin, Paris
- Anaïs VALLET-PICHARD : médecin, praticienne hospitalière, service d'hépatologie, hôpital Cochin, Paris
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