HÉRALDIQUE
Les règles du blason
Les armoiries se composent de deux éléments : des figures et des couleurs. À l'intérieur de l'écu (dont la forme peut être variable), les unes et les autres ne peuvent pas être employées ni associées n'importe comment. Elles obéissent à des règles de composition, peu nombreuses mais permanentes et contraignantes. Ce fait est important car il met en valeur la différence essentielle qui existe entre l'héraldique européenne et les systèmes emblématiques utilisés par d'autres civilisations. C'est ainsi que les Japonais, les Mamelouks, les Incas, certaines ethnies africaines ou océaniennes ont, à un moment ou à un autre de leur histoire, utilisé des emblèmes présentant avec les armoiries occidentales des ressemblances certaines mais dont la composition n'a jamais été codifiée par des règles impératives.
La principale règle du blason concerne les couleurs. Celles-ci n'existent qu'en nombre limité et portent (en français) des noms particuliers qui soulignent leur caractère abstrait, conceptuel : or (jaune), argent (blanc), gueules (rouge), sable (noir), azur (bleu), sinople (vert) et pourpre (violet-gris). Ces couleurs ne peuvent pas s'employer indifféremment. Le blason, en effet, répartit ces sept couleurs en deux groupes : dans le premier sont rangés l'or et l'argent ; dans le second, le gueules, le sable, l'azur, le sinople et le pourpre. La règle interdit de superposer ou de juxtaposer deux couleurs appartenant au même groupe. Prenons l'exemple simple d'un écu dont la figure est un lion ; si le champ de cet écu est d'azur, le lion pourra être d'or ou d'argent, mais il ne pourra pas être de gueules, de sable, de sinople ou de pourpre. Inversement, si le champ est d'or, le lion pourra être de n'importe quelle couleur sauf l'argent. Cette règle fondamentale existe dès l'apparition des armoiries, c'est-à-dire dès le début du xiie siècle. On suppose qu'elle a été empruntée aux bannières (dont l'influence sur les premières armoiries a été considérable) et qu'elle est liée à la fois à des questions de visibilité et à des questions de symbolique des couleurs.
Les figures utilisées par le blason sont nombreuses et diverses. Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Jusqu'au xive siècle, il s'agit essentiellement de figures animales (une quinzaine d'espèces d'usage courant), végétales et, surtout, géométriques. Par la suite, le répertoire des figures va en augmentant, la faune et la flore se diversifient, les objets, les armes, les bâtiments, les parties du corps humain font leur entrée dans les armoiries. En outre, ces dernières deviennent plus chargées, comportent plusieurs figures, se subdivisent en sous-parties. Aux xviie et xviiie siècles, certaines armoiries, ainsi divisées en de multiples quartiers afin de rappeler toutes les alliances et ascendances d'un personnage, comportent un très grand nombre de figures, au point de devenir parfois illisibles. Cette époque correspond du reste à un certain dessèchement de l'héraldique, qui sombre dans un maniérisme et un didactisme excessifs et qui s'encombre d'une foule de termes, règles et figures inutiles.
Le dessin des figures du blason est également régi par certains principes qu'il convient de respecter. Les figures géométriques ont des proportions définies, et les animaux sont représentés de manière conventionnelle, n'ayant souvent que peu de rapport avec la réalité de leurs formes. Afin d'être vus de loin, ils sont fortement stylisés, et toutes les parties servant à les faire reconnaître (tête, queue, griffes, bec) sont exagérées. Il en est de même des végétaux, dont les feuilles, les fleurs ou les fruits sont disproportionnés par rapport au tronc ou à la tige.
Toutefois, plus[...]
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Écrit par
- Michel PASTOUREAU : archiviste paléographe, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
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