BAYER HERBERT (1900-1985)
Les affiches et les typographies constructivistes
Lorsque Bayer revient au Bauhaus en 1925, l'institution est installée à Dessau et Walter Gropius le charge de l'enseignement de la typographie. De cette période datent les projets les plus novateurs de Bayer, bien que les principes qu'ils mettent en œuvre aient déjà été énoncés (mais non pleinement appliqués) par Moholy-Nagy. La transformation du mot en slogan (par des variations de taille dans les caractères, l'utilisation de la couleur rouge, de lignes grasses ou de couleur pour souligner, de caractères gras ou semi-gras) ; la dynamisation de la page par l'oblique ; l'insistance sur la surface du support (géométrie des formes et des proportions) : telles sont les caractéristiques du vocabulaire typographique de Bayer. À quoi il faut ajouter l'utilisation de la photographie comme idéogramme « universel » qui, souvent mêlée aux caractères d'imprimerie, provoque un dépaysement par les ruptures d'échelles ou les couleurs volontairement faussées. Réveiller le lecteur ou le spectateur d'une affiche, d'un livre, tel est le but que Bayer s'assigne, ce qui fait de lui un des créateurs publicitaires les plus importants du siècle mais aussi, dès 1928, l'un des photographes de la Neue Sachlichkeit (ou Nouvelle objectivité) qui se rapproche le plus du surréalisme. Cette même année, il quitte l'enseignement pour devenir le directeur artistique de l'agence internationale de publicité Dorland (à Berlin), ainsi que de l'édition allemande de Vogue.
C'est en 1930 que Bayer applique pour la première fois à grande échelle ses idées concernant l'aménagement d'expositions. Walter Gropius fait appel à lui – ainsi qu'à Moholy-Nagy et à Marcel Breuer – pour l'exposition du Werkbund à Paris, qui est un véritable triomphe.
Reprenant les innovations de Lissitzky à l'exposition Pressa (Cologne, 1928), Bayer transforme l'espace créé par Gropius au Grand Palais en un flux de photographies et d'objets se projetant en saillie hors des murs et du plafond. Le catalogue contient un diagramme qui substitue au visage d'un spectateur un œil gigantesque d'où partent des flèches dans toutes les directions, atteignant des panneaux dont bien peu sont fixés à la verticale : pour la première fois, la vision « horizontale », essentiellement codifiée par la tradition picturale, est attaquée comme trop conventionnelle.
En 1936, Bayer invente ce qu'il nomme ses Fotoplastiken : des éléments abstraits sont réalisés en sculpture, puis insérés par photomontage dans des paysages naturels ou architecturaux ; ce détournement de la sculpture au profit de la photographie constitue le fond de l'art publicitaire de Bayer jusqu'en 1946. Les dernières années que Bayer passe en Allemagne sont très actives : de 1931 à 1938, il aménage une dizaine d'expositions industrielles, se rend à Londres pour exposer ses œuvres, travaille à la revue Die Neue Linie, invente un caractère d'imprimerie. Politiquement naïf, il ne voit monter le péril nazi que lorsque ses propres productions sont « corrigées » par les services de propagande du Reich (insertion de la croix gammée dans un photomontage, etc.).
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Écrit par
- Yve-Alain BOIS : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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