SPENCER HERBERT (1820-1903)
La généralisation de la loi de Baer
C'est en rendant compte pour la Westminster Review de la troisième édition (1851) des Principles of Physiology General and Comparative de W. Carpenter que Spencer repéra l'énoncé de la loi de Baer et son application à la biologie animale ainsi qu'à la biologie végétale. « Ajoutée à ma réserve d'idées générales, écrit-il dans son Autobiographie, cette idée [que le développement de tout organisme consiste en un changement de l'homogène à l'hétérogène] ne resta pas longtemps latente, je l'étendis bientôt à certains phénomènes de l'ordre super-organique. » On en trouve, en effet, la première extension dans les essais sur La Philosophie du style (oct. 1852), où Spencer indique que le progrès dans le style doit produire une hétérogénéité croissante dans les modes d'expression, dans L'Art de l'éducation (mai 1854), qui montre que le développement de l'esprit consiste en une progression de l'homogène à l'hétérogène et de l'indéfini au défini, et dans La Genèse de la science (juill. 1854), étude née d'un désaccord fondamental sur la classification contienne des branches du savoir à laquelle était opposée l'idée d'une hétérogénéité croissante du corps général des sciences à l'intérieur duquel l'intégration et la différenciation marchent de pair. Avec Les Principes de psychologie que Spencer publiait en 1855, la théorie générale de l' évolution, précédemment ébauchée dans Les Manières et la mode (avr. 1854), où l'auteur s'interrogeait sur l'origine des conventions sociales auxquelles les individus se soumettent sans protester, était appliquée à la genèse de l'esprit dont il était prouvé qu'il évolue de la même manière (naturelle) que l'organisation corporelle.
Il restait à trouver les raisons de l'universalité de la croissante hétérogénéité constatée à tous les niveaux. Passant, dans son essai sur Le Progrès (avr. 1857), de l'induction à la déduction, Spencer interprétait le changement de l'homogène en hétérogène comme le résultat de l'incessante multiplication des effets, puis l'expliquait dans Les Lois ultimes de la physiologie (oct. 1857) par l'instabilité de l'homogène, avant de faire dériver ces deux lois, vers la fin de l'année 1857, des principes physiques qu'exprime la loi de la persistance de la force : l'indestructibilité de la matière et la continuité du mouvement. Au cours des quatre années suivantes, Herbert Spencer établissait successivement la persistance des relations entre les forces, la transformation et l'équivalence des forces, la continuité de direction et le rythme du mouvement qui suit les lignes de moindre résistance. Il aboutissait finalement en 1862 à la formulation de la célèbre loi de l'évolution qui présente toutes les transformations constituant l'évolution et la dissolution (l'état d'équilibre atteint au terme de la croissante hétérogénéité ne pouvant se prolonger indéfiniment) comme des conséquences de la redistribution continue de la matière et du mouvement : « L'évolution est une intégration de matière accompagnée d'une dissipation de mouvement pendant laquelle la matière passe d'une homogénéité indéfinie, incohérente à une hétérogénéité définie, cohérente et pendant laquelle le mouvement retenu subit une transformation analogue » (Premiers Principes). La seule précision, mais capitale et souvent négligée, qu'il devait apporter à cet énoncé lors de la refonte (1867) du chapitre des Premiers Principes consacré aux conditions essentielles de l'évolution est que la formation d'un agrégat cohérent (intégration) est le trait universel de l'évolution, tandis que l'augmentation de l'hétérogénéité[...]
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Écrit par
- Bernard VALADE
: professeur à l'université de Paris-V-Sorbonne, secrétaire général de
L'Année sociologique
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