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WERNICKE HERBERT (1946-2002)

Le parcours d'Herbert Wernicke ressemble à celui d'autres hommes de théâtre de sa génération, mais son style demeure unique. Sa mort, survenue à Bâle le 16 avril 2002, à l'âge de cinquante-six ans, l'a empêché de mener à terme une nouvelle mise en scène de La Tétralogie de Wagner à la Bayerische Staatsoper de Munich. Elle a surpris et secoué le monde du spectacle, qui a perdu avec lui un homme de théâtre attachant.

Né le 24 mars 1946 à Auggen, en Forêt-Noire, ce fils d'un restaurateur de tableaux étudie le piano, la flûte et la direction d'orchestre au Conservatoire de Braunschweig, puis la scénographie à Munich. Il conçoit d'abord des décors à Landshut et à Wuppertal avant de réaliser ses propres mises en scène. La première d'entre elles prend place à Darmstadt en 1978, Wernicke montant l'oratorio Belshazzar de Haendel comme une violente chasse aux juifs. Cette première production, fort remarquée, annonce la couleur de ses futurs spectacles : il en réalise aussi les décors et costumes, comme avant lui Jean-Pierre Ponnelle, autre scénographe devenu metteur en scène. Wernicke s'entend à décrypter le sens général d'une œuvre ainsi que son actualité essentielle plutôt que de s'en tenir à sa littéralité. Il synthétise généralement ce « sens » dans un décor unique, parfois surréaliste, toujours poétique : avec lui, le Giulio Cesare de Haendel prend place sur une immense pierre de Rosette et la scène du couronnement de Boris Godounov est surmontée d'une gigantesque cloche, tandis que le fond de scène aligne les portraits de tous les tsars de la Russie... jusqu'à Boris Eltsine !

Cette manière de procéder lui a permis d'aborder des œuvres de toutes les époques. Le début de sa carrière est marqué par ses mises en scène d'ouvrages baroques, notamment Alceste de Lully et Juditha Triumphans de Vivaldi à Darmstadt, Judas Maccabæus de Haendel à Munich, Hippolyte et Aricie de Rameau à Berlin et Montezuma de Carl Heinrich Graun à Schwetzingen. Cette période culmine dans un cycle conçu autour de l'Âge d'or, à Kassel de 1984 à 1987, comprenant Phaéton de Lully, Orfeo ed Euridice de Gluck et un spectacle regroupant quatre cantates de Bach sous le titre O Ewigkeit, Du Donnerwort. Car Wernicke met aussi en scène des pièces qui ne sont pas des opéras : à Bâle surtout, où il élit domicile en 1990 et où il présente au moins un spectacle chaque saison, il se livre à des expériences passionnantes, réalisant des mises en scène à partir de cantates de Bach, d'oratorios de Haendel (Theodora, Israel in Egypt) ou de motets de Schütz (Wie liegt die Stadt so wüste, die voll Volkes war). Dans la ville aux trois frontières, il signe aussi des spectacles-récitals (notamment une version scénique du Voyage d'hiver de Schubert) et revient régulièrement à l'opérette, genre qu'il chérit tout particulièrement : La Belle Hélène (dont il donnera aussi une version à Aix-en-Provence et Salzbourg), Orphée aux enfers (qu'il recréera pour Bruxelles), La Chauve-Souris, La Veuve joyeuse ou Le Baron tzigane trouvent en lui un ardent défenseur, capable d'accentuer leur humour acerbe.

Au cours des années 1980, sa renommée se propage lentement mais sûrement, notamment lorsque sa fameuse mise en scène des Maîtres Chanteurs de Nuremberg de Wagner, créée au Théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles, est reprise à l'Opéra de Paris. Il se fait aussi remarquer pour son Château de Barbe-Bleue de Bartók, monté à l'Opéra d'Amsterdam, et pour Moïse et Aaron de Schönberg, créé à Francfort en 1990 et repris à Paris au Théâtre du Châtelet. Au cours des années 1990, Wernicke devient un des metteurs en scène les plus en vogue sur le plan international. Sa production de La Calisto de Cavalli parcourt l'Europe entière (Bruxelles,[...]

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Écrit par

  • : chargé de mission pour le service culturel du Grand Théâtre de Genève

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