HERCULANUM
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Redécouvertes
Cet effacement ne dure réellement que quelques siècles. Bien que sporadiques, des tunnels ont été percés dans la ville dès le Moyen Âge. Ces anonymes premiers re-découvreurs du site n’ont laissé derrière eux que des fragments de céramique et parfois quelques pièces de monnaie, et on ne sait ce qu’ils ont retiré du site.
En 1710, un paysan creusant un puits – « il pozzo d’Enzechetta » – à Resina, la ville moderne construite au-dessus d’Herculanum, découvre des fragments de marbre qu’il apporte à Emmanuel-Maurice de Lorraine, futur duc d’Elbeuf, commandant des forces autrichiennes à Naples. Intrigué, ce dernier achète le terrain et utilise le puits pour explorer le sous-sol en tunnels. La fouille du théâtre vient de commencer. Trois statues de femmes, alors appelées Vierges vestales et désormais connues sous le nom de « Trois Herculanaises », constituent les découvertes les plus marquantes de cette première fouille. Elles sont exportées illégalement loin de Naples, pour finalement être acquises par Auguste III, électeur de Saxe, qui les expose dans son palais de Dresde.
En 1738, sa fille, Marie-Amélie de Saxe, épouse le nouveau roi de Naples, Charles VII de Bourbon. Sensible aux charmes d’une possible ville ensevelie d’où extraire des antiques, la reine convainc son époux d’en entreprendre l’exploration. Pour le jeune roi, c’est aussi l’occasion de donner du prestige et donc de la légitimité à son royaume. Un ingénieur militaire, Rocque Joachin Alcubierre, est chargé de diriger les fouilles qui ne peuvent être réalisées que par le biais de puits et de galeries. Cette mine d’antiques objets précieux permet de créer et d’alimenter la collection personnelle du roi, surveillée pour éviter jusqu’à leur reproduction graphique sans strict contrôle. Les lettres de Joachim Winckelmann, racontant le déroulement chaotique des fouilles et le mauvais accueil qu’il a reçu à Herculanum, ont eu en 1758 un retentissement européen, grâce au goût pour l’antique en vogue depuis le début des années 1750. À cause de cette mauvaise image, associée à la redécouverte de Pompéi initiée en 1748, et malgré des avancées considérables quant à la topographie de la ville, la fouille d’Herculanum est progressivement abandonnée.
Pour toute la suite de l’histoire du site, chaque reprise ou tentative de reprise des fouilles est liée à un changement de régime politique à Naples ou en Italie. Le premier essai, infructueux à Herculanum, tient à l’occupation française sous le règne de Murat, de 1806 à 1815. Avec le retour des Bourbons à Naples, ce sont les premières fouilles à ciel ouvert qui sont réalisées. Après l’achat de 900 mètres carrés de terrain, la maison « d’Argo » est lentement dégagée à partir de 1828. En dépit de l’intérêt remarquable de cette découverte, en particulier de son premier étage, la fouille est arrêtée, après un interminable ralentissement, en 1855. Il faut attendre l’unité italienne de 1860 et la volonté de Giuseppe Fiorelli pour que le dégagement reprenne de 1869 à 1875. Les fouilles sont arrêtées par la difficulté de l’entreprise et par les faibles résultats : aucune maison n’est intégralement dégagée et les thermes sont à peine effleurés. Au début du xxe siècle, un archéologue américano-britannique, Charles Waldstein, a tenté de mettre en œuvre un plan de coopération internationale visant à dégager l’intégralité de la ville. L’État italien refuse toute intervention extérieure en 1907 et met en place une commission chargée d’étudier un plan de reprise des fouilles qui n’est pas réalisé.
Ce n’est qu’à la faveur du régime fasciste que les dégagements reprennent en extension. En 1927, Benito Mussolini offre à ses collègues de la Società di Storia Patria la reprise des fouilles comme cadeau pour l’avoir accepté en leur sein. Amedeo Maiuri, surintendant de Naples depuis 1924, est chargé de s’occuper de ces fouilles. Toute sa vie durant, son but a été de mettre au jour le forum d’Herculanum. Jusqu’en 1941, les fonds abondent pour mettre au jour la ville ensevelie. La principale difficulté ne s’avère pas tant être l’épaisseur de matériau éruptif que les indispensables restaurations et consolidations – préalables à la fouille proprement dite – à cause des dégâts causés aux maçonneries par les tunnels du xviiie siècle. Soucieux de la présentation au public, Maiuri s’emploie à procéder à une véritable transformation du site en musée à ciel ouvert, reconstruisant les maisons pour les rendre compréhensibles et laissant les objets sur leur lieu théorique de découverte. La majeure partie du site, tel qu’il est connu aujourd’hui, a été dégagé de sa gangue volcanique pendant ces années. À partir de 1941, à la suite de l’entrée en guerre de l’Italie, les fouilles marquent le pas. Après guerre, elles reprennent à un rythme très ralenti. En 1958, Maiuri publie la synthèse des résultats de trente ans de dégagement. Par-delà les questions historiographiques, et malgré ses nombreuses qualités, ce volume décrit et exploite le site tel qu’il est visible – et donc tel qu’il a été reconstruit pendant la fouille – et non tel qu’il a été observé: se fiant aux restaurateurs, Maiuri ne consulte ni les comptes rendus de ses rares visites, ni ceux dressés quotidiennement par les surveillants des fouilles.
Dans le cadre d’un plan de résorption de l’habitat insalubre de l’Herculanum moderne, des immeubles surplombant le site sont abattus à la fin des années 1950. Des fouilles sont entreprises à la suite pour mettre au jour une partie de la basilicaNoniana, l’entrée de la porticus impériale et achever de dégager un îlot.
Dans les années qui suivent, à un rythme réduit, une des rues principales de la ville est dégagée. À partir de l’été de 1980, les squelettes des habitants et un navire sont découverts sur le rivage. En 1982, une nouvelle fois, les fouilles s’arrêtent. En dépit de sa surface réduite, il est alors difficile de maintenir la conservation du site dont l’érosion semble inexorable. Cette situation s’est accentuée avec le séisme de l’Irpinia, en 1980. Malgré cela, un pan entier est trop rapidement dégagé à la fin des années 1990. La villa des Papyrus revoit partiellement la lumière, sans livrer d’éléments nouveaux.
Malgré de réguliers projets d’extension, les dégagements semblent heureusement devoir ne pas reprendre. Une convention entre l’État italien et le Packard Humanities Institute a été signée en 2001 pour favoriser la restauration des vestiges connus et leur maintien. La cité d’Herculanum gardera le mystère de son extension et des bâtiments qui la composent.
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Écrit par
- Nicolas MONTEIX : maître de conférences à l'université de Rouen, ancien élève de l'École française de Rome
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